Escale sur les terres de la poésie. Poème tout frais pondu. Si vous le voulez. A lire ou à ouïr. Ou les deux. Le son est à la fin du texte.Tendre la main trop tendre, la main
S’agite dans les cendres glacées
Fouaille fouille farfouille frotte
Et s’écorche s’accroche s’arrache
Se détache de l’ombre du corps
Elle va vient vie sa vie la main
Mue par le vertige elle palpite
Comme un cœur dépourvu de sang
Comme un oiseau sans plume sans cri
Qui vole, sans mémoire du nid
Tendre la main, trop tendre la main
Tout ce qu’elle triture est glacé
Le vieux soleil n’y peut rien
Sans feu sans lieu sans loi sans foi
Les hommes ont éteint leurs yeux
Faibles lampes jetées au rebut
La main hors corps les cherche toujours
Incapable de faire autrement
Et se heurte aux fenêtres froides
A l’immense silence des steppes
Tendre la main trop tendre, la main
Saisissez-la comme une hypothèse
Sa fragilité vous sauvera
La force a tellement d’apparences
Parmi ses mirages un miracle
Un miracle à prendre sur le champ
Sinon il se refera mirage
Un miracle à prendre sur le chant
Pour que la main devienne oiseau
Et que son cri se fasse étincelle
Jean-Noël Cuénod
Tendue parmi de remarquables fragments de style (paronomases, synesthésies, polyptotes, climax, etc.) la main les assemble soigneusement en tissant la tragique mosaïque d’une frappante actualité. Félicitations !