Genève vote pour la laïcité. Et maintenant?

laïcité-votation-GenèveLe peuple genevois a donné un «oui» incontestable à sa loi sur la laïcité, à 55,1% des suffrages exprimés. C’est un beau jour pour la sauvegarde de la liberté de conscience.[1]Approbation nette. Mais non pas raz-de-marée. Il faut donc que les partisans de la laïcité se penchent sur le seul élément vraiment critiquable de cette loi.

Il s’agit en l’occurrence de l’interdiction pour les députés au Grand Conseil et conseillers municipaux de signaler leur appartenance religieuse par des signes extérieurs lorsqu’ils siègent en séance plénière (en public) ou lors de représentations officielles.

Certes, ne pas arborer un signe religieux en de telles circonstances assez restreintes ne paraît pas relever de la dramatique atteinte à la liberté religieuse, sauf à faire preuve de mauvaise foi. Et les ennemis de cette loi ont démontré qu’ils en possédaient d’inépuisables réserves.

Toutefois, cet élément présente un défaut, il rompt l’équilibre et la cohérence de cette loi. En quoi ?

Il est normal que les représentants de l’Etat – magistrats et fonctionnaires – soient astreints à respecter la neutralité confessionnelle en ne faisant pas étalage de leur appartenance à telle ou telle communauté religieuse. Dans le contexte de leur fonction – et si cette fonction les amène à entrer en contact avec le public – ils sont des organes de l’Etat qui, à Genève, est laïque et se déclare neutre sur le plan religieux. Personne n’a contraint les fonctionnaires ou les magistrats à embrasser le service public.

En revanche, la situation des députés au Grand Conseil ou des conseillers municipaux est différente. Ils ne représentent pas l’Etat mais le peuple dans toute sa diversité. Ils ne sont donc pas astreints à l’obligation de réserve laïque des fonctionnaires et magistrats. En briguant les suffrages de leurs concitoyens, ils font étalage de leurs conceptions philosophiques, de leurs positions idéologiques et, le cas échéant, de leur appartenance religieuse. C’est le jeu normal de la démocratie. Dès lors, cet élément de la loi se révèle par trop restrictif en regard de la liberté individuelle.

Il faudrait s’inspirer de la situation qui règne déjà au sein de l’Instruction publique, à savoir que le port de signes religieux est interdit aux instituteurs et aux professeurs quand ils donnent leurs cours mais que leurs élèves sont libres d’en arborer. Les uns représentent l’Etat, les autres, non. Il devrait donc en aller de même concernant les fonctionnaires et les députés ou conseillers municipaux.

Le Groupe de travail sur la laïcité n’avait pas retenu l’interdiction du port de signes religieux pour les députés ou conseillers municipaux en « plénière ». Ce point ne figure pas dans les propositions rédigées par ce Groupe qui ont largement inspiré la nouvelle loi.  Il n’est apparu qu’au cours du travail législatif. La Cour constitutionnelle cantonale doit encore statuer à ce propos après avoir été saisie de deux recours. Peut-être que cet élément contestable sera expurgé de la nouvelle loi. C’est mon souhait, en tant que citoyen engagé en faveur de la laïcité et de sa nouvelle loi genevoise.

Jean-Noël Cuénod, ancien président du Groupe de Travail Laïcité auprès du Conseil d’Etat

[1]Ne retouche pas à mon dieu – Un bilan de la laïcité. D’où vient-elle? Où va-t-elle ? – Jean-Noël Cuénod– 249 pages – Editions Slatkine

1 réflexion sur « Genève vote pour la laïcité. Et maintenant? »

  1. Merci pour ton article. La campagne fut pénible tu le sais. Nous étions face à des adversaires manipulateurs et emplis de mauvaise foi pour certains ou naïfs et manipulés pour d’autres. Tu le dis très bien. Je suis toutefois moins d’accord avec toi en ce qui concerne les. élus. Nos parlements ne sont représentatifs que sur le plan politique et les parlementaires élus sur leurs idées politiques. Nous n’avons pas un système de quota comme certains veulent le faire croire. Lorsque les députés prêtent serments, ils jurent ou promettent de ne prendre en considération que les intérêts de la République, des signes ostentatoires d’appartenance religieuse peuvent laisser croire qu’ils défendent d’autres intérêts.
    Je trouve que le nom du PDC est un archaïsme et devrait être changé même s’il s’explIque historiquement.
    Quant à la loi qui fait l’objet de deux recours, elle n’est pas encore en application…..
    Bien à toi.
    Claire.

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