Attentats de Paris : union à la base, désunion au sommet

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Après les attentats de Paris, la caste[1] politique semble plus déconnectée que jamais des «autres» qu’elle censée administrer. A la base, les initiatives se multiplient pour rendre hommage aux victimes, se réconforter mutuellement, élever des petits autels laïques place de la République, déposer des souvenirs, des marques de fraternité sur les lieux des crimes islamoterroristes. Malgré la peur, malgré l’interdiction de rassemblement décrétée par l’état d’urgence, des milliers de Parisiens ont ressenti dimanche l’urgente nécessité de se regrouper en déambulant place de la République, ne serait-ce que pour faire peuple.

Car un peuple, ça ne se fait pas d’un claquement de doigts. Les assemblages collectifs ont de multiples visages souvent contradictoires. Lorsque la masse d’individus prend forme, qu’elle partage un but généreux qui devient une évidence pour tous, cette alchimie collective transcende les individus. La masse devient un être. Le peuple est né. Bien entendu, si le but n’est pas généreux mais haineux, nous n’avons pas de peuple, mais une populace. Dimanche, place de la République, c’était le peuple qui a voulu être présent. C’est un beau mot, peuple. Dommage qu’ils soient souillés par les démagogues.

A la base, c’est donc l’union nationale qui est réclamée et pratiquée. Mais le sommet n’en a cure et préfère la désunion. Le temps de décence a fondu sous la chaleur des projecteurs. Nicolas Sarkozy s’est aussitôt posé en président-bis, le regard fixé sur la ligne bleue de 2017. Estrosi en remet une couche contre les réfugiés syriens «infiltrés par Daech», dans ses efforts constants pour se situer encore plus à l’extrême droite que sa rivale aux régionales Marion Maréchal-Le Pen. Et l’on en passe, des pires et des moins bonnes. Grand Ballet des hypocrites. Chaque parti clame qu’il suspend la campagne électorale mais la fait vibrer de plus belle sur les réseaux sociaux. On calcule sa posture. Jusqu’où aller trop loin dans le discours clivant ? D’autres n’ont même pas ce souci et y vont gaiement dans la provoc, sachant que sur Twitter, celui qui gueule le plus fort et le plus vite a gagné. Les larmes de crocodile sont vite essuyées.

Jean-Noël Cuénod

[1] Caste politique et non pas classe. Rappelons la définition de la caste: groupe social hiérarchisé, endogame et héréditaire.

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