Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas ! Emmanuel Macron a beau s’agiter, arpenter, ahaner pour retrouver son chemin dans la purée de pois qui brouille son image depuis cet été, rien n’y fait. La baraka vous quitte plus vite que la scoumoune. Et voilà un président très Jupiter-à-terre. Ce n’est pas sa lugubre prestation télévisée de mardi qui va changer la donne.
Macron ne parvient pas à reprendre la main depuis qu’il a hérité du mistigri Benalla. Comment cette affaire a-t-elle pu perdurer dans sa nuisance pendant si longtemps ? En considérant froidement les faits – du moins tels que les médias les ont présentés –, il apparaît que l’affaire est grave en ce qu’elle démontre la confusion entre les fonctions, l’intensité du copinage et la persistance des passe-droits. Mais enfin, d’autres scandales d’intensité égale ou supérieure n’ont pas connu la même longévité. Ce ne sont donc pas les faits connus qui expliquent le phénomène Benalla mais les non-dits qui l’entourent. Et un non-dit, c’est encore plus pernicieux qu’une rumeur.
La rumeur, ce n’est pas un fait, mais elle se déguise en fait. Elle en a la couleur, l’odeur, la saveur. Ainsi, il est moins malaisé de la combattre. Il est possible de trouver un biais pour la dégonfler.
Avec le non-dit, c’est bien différent. La rumeur est un bruit qui court. Le non-dit est un silence qui couve. Qui couve des œufs fantasmatiques.
Les gens ne savent pas mais ils sentent. Ils sentent d’instinct qu’on – c’est-à-dire la sphère supérieure – leur cache quelque chose. Ils ne savent pas quoi ; ça les énerve. Ils sont face à un brouillard épais, insondable. En prenant pour point de départ une forme vague – une de ces formes dont le spectateur ne sait s’il s’agit d’un arbre, d’un mur, d’un pan de maison –, ils tentent de reconstituer un paysage. L’humain étant ainsi fait, le carburant de cette imagination est souvent offert par la sexualité. Plus le brouillard persiste, plus les paysages recréés sont baroques, endiablés, sulfureux. Sardanapale détrône Jupiter et c’est bacchanales permanentes à l’Elysée.
Les non-dits n’ont pas besoin de lien avec la réalité. Il suffit que l’ambiance générale qui entoure une affaire soit nimbée, à tort ou à raison, d’un silence chargé de soupçons pour qu’ils fassent leur œuvre. Les mensonges, les hésitations, les rétropédalages en catastrophe sont autant de jalons qu’utilise l’imagination populaire pour faire rendre gorge au non-dit et qu’enfin, il donne de la voix.
Le président Macron peut-il se sortir de cette mélasse ? On l’a vu précédemment, la rumeur se fatigue un jour ou l’autre, le non-dit, lui, est increvable. Comment dire le non-dit ? Allez savoir ! C’est pourquoi le mistigri Benalla risque fort de pourrir ce quinquennat jusqu’à la fin.
Jean-Noël Cuénod