Soulages, le grand feu noir

Soulages-martigny-outrenoir

Photo: www.pierre-soulages.com

Avec Pierre Soulages, le noir nous en fait voir de toutes les couleurs. A ne pas rater l’exposition intitulée « Une Rétrospective » que la Fondation Pierre-Gianadda à Martigny consacre jusqu’au 25 novembre 2018 au grand peintre de l’Outrenoir.

Soulages va à l’essentiel ou plutôt à l’essence du ciel. Il fait circuler la lumière dans les méandres de ce noir de telle manière qu’elle révèle toutes les couleurs qui dormaient en lui. Des couleurs qui s’échappent, reviennent, repartent, se réinstallent dans un autre lieu du tableau. Comme la lumière ambiante change constamment, même de façon peu perceptible, l’état du tableau se modifie. Ce n’est plus le même qu’il y a cinq minutes. Et c’est tout malgré tout le même. Avec l’art de Soulages, nous entrons dans le règne de l’oxymore.

Le noir en tant que couleur est dépassé pour atteindre, selon le mot que Soulages a forgé, l’ « Outrenoir », cette présence lumineuse qui surgit de la pâte nocturne. Il y a de l’abnégation du moine dans le travail de l’artiste qui travaille cette pâte nocturne pour lui faire rendre l’âme. Et c’est avec la discipline contemplative du moine qu’il faudrait entrer dans un tableau de Soulages. Rester de longues minutes devant une œuvre. Se laisser pénétrer par elle. Et l’essence du tableau apparaît progressivement comme jadis, un portrait photographié qui, petit à petit, se dessine dans le bain du révélateur.

Et c’est le feu qui surgit, illumine la pièce, embrase le regardeur. Le feu de l’Outrenoir qui ne s’éteint jamais. Il n’a jamais cessé de brûler. Soulages nous l’a donné à voir.

En 2009, Beaubourg avait réservé à Pierre Soulages une rétrospective gigantesque, impressionnante. Et peut-être un peu écrasante, même si Le Plouc en était resté ébloui. Avec « Une Rétrospective » – un article indéfini par signe de modestie ? – la Fondation Pierre-Gianadda a offert aux œuvres de Soulages, l’espace qui leur manquait à Beaubourg. Elles peuvent mieux y respirer, dialoguer entre elles, échanger leurs ondes secrètes, se mouvoir. Car un tableau de Soulages, c’est un être vivant.

Jean-Noël Cuénod

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