Narcisse Praz s’en est allé aux prémices du printemps

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A 85 ans, Narcisse Praz avait lancé une initiative pour rendre laïque le canton du Valais (JNC_LaCité)

L’un des esprits les plus libres du Valais, de la Suisse et de la galaxie anarchiste a rendu mercredi, chez lui à Nendaz, son dernier soupir. Mais rendu à qui? Narcisse Praz était athée fougueusement, libre-penseur, imperturbablement, bouffeur de curés goulûment. Peut-être à la terre du Vieux Pays valaisan où il a rejoint ses ancêtres paysans de montagne ou mineur exploité comme son père.

Ecrivain, poète, en français et en franco-provençal version valaisanne, Narcisse Praz devait être prêtre. Né à Beuson (canton du Valais) en 1929 d’une famille de cœur riche mais de bourse plate, il est repéré par le curé du village pour ses évidentes facultés intellectuelles. Dans le Valais d’avant la Seconde Guerre mondiale, la seule issue pour accomplir des études supérieures étaient de prendre la soutane.

Anarchiste pur

Après des études poussées, il claque la porte de l’internat religieux à 16 ans, révolté par les pratiques douteuses du clergé, parvient à suivre des cours de langues et devient polyglotte.

L’anarchisme et ses penseurs remplaceront le catholicisme et son clergé dans la vie de Narcisse qui vit une série étonnante d’aventures, horlogères, culturelles, journalistiques que le Plouc avait évoquées dans cet article paru dans le magazine aujourd’hui disparu, La Cité, il y a juste dix ans. (1)

Narcisse, il se trouve que je l’ai bien connu, juste après Mai-68 et dans la première moitié des années 70.

L’épisode de La Pilule

A cette époque, Narcisse Praz avait lancé à Genève un hebdomadaire satirique et anarchiste, La Pilule, qui a eu autant d’ennemis que de lecteurs, c’est-à-dire nombreux.

Narcisse et son équipe tiraient à vue sur tout ce qui bougeait et, surtout, ne bougeait pas: flics, banquiers, officiers, politicards, journalistes bourgeois, patrons, curés (bien entendu) et cette liste n’était pas exhaustive.

C’est sous cette non-gouverne que j’ai fait mes premiers pas de journaliste. Et pour que je puisse suivre les cours du Centre de formation professionnelle des journalistes à Lausanne, Narcisse Praz a dû s’inscrire au syndicat de la presse afin de devenir mon maître de stage.

C’était pour lui un gros sacrifice que de s’affilier à la cohorte des journalistes que, pour la plupart, il détestait copieusement. Il l’a fait uniquement pour moi qui avait contracté le virus du journalisme.

Homme debout toujours

Cela dit, quelques mois plus tard, Narcisse s’est fait virer de l’Association de la Presse Suisse pour « atteintes répétées au devoir de confraternité ». En d’autres termes, Praz avait continué à flinguer les journalistes qui lui déplaisaient. Jamais radiation ne fut plus joyeusement célébrée, d’autant plus qu’elle n’emportait pas mon éviction du Centre de formation. Merci Narcisse!

Que ce soit à La Pilule, dans son autre revue Le Crétin des Alpes ou dans ses livres, Narcisse Praz n’a eu de cesse de dénoncer la face hypocrite, rapace et imbécile d’une certaine Suisse.

Homme debout toujours, il n’a jamais pactisé avec le monde des assis. Ses imprécations contre Dieu continueront à résonner dans les vallées piquetées de clochers.

Jean-Noël Cuénod

1 On trouve donc ce papier sur la Toile mais pour des raisons inexpliquées la signature, Jean-Noël Cuénod, a été supprimée.

1 réflexion sur « Narcisse Praz s’en est allé aux prémices du printemps »

  1. Je l’avais découvert avec son « Petit livre vert-de-gris », et jamais oublié depuis !
    Bravo et merci, Narcisse

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