Vital, il fut. Vital, il restera. La mort n’a pas dévitalisé Vital Heurtebize qui, à 91 ans, vient de rejoindre le Cercle des Poètes disparus. Disparus mais présents dans les cœurs. Son beau visage d’empereur romain imprimera pendant longtemps nos mémoires vives. Les poètes ne meurent pas, ils sont seulement passés derrière ce miroir qu’ils nous ont tant de fois tendu.
Vital Heurtebize n’a pas seulement pratiqué l’art poétique, il a aussi milité pour que place lui soit faite dans la société. Combat rendu malaisé à mener car l’adversaire a pour apparence l’édredon de l’indifférence.
Tous les coups que vous tentez de lui porter s’enfoncent dans le mou et le flou. Jadis, la société attaquait les poètes de front afin de les replacer sur l’orbite du sens commun; les accusant de pervertir les esprits, à la manière du procureur Ernest Pinard, pourfendeur (entre autres) de Charles Baudelaire et de ses Fleurs du Mal.
Aujourd’hui, Pinard ne désigne plus qu’une infâme piquette… Bien fait! Mais nous regretterions presque ses prudhommesques réquisitoires que l’on pouvait méchamment et joyeusement brocarder. On ne réprime plus les poètes. On les cuit à petits feux. A l’étouffée.
Vital a consacré une grande part de son énergie – l’autre étant dévolue à son œuvre – à dissiper cette vapeur anesthésiante. Cet effort ne semble pas avoir de fin. Mais durant sa présidence de la Société des poètes français et de Poètes sans frontières, Heurtebize a ménagé de nombreuses brèches qui permettront aux plus jeunes de s’y engouffrer. A eux désormais, de remettre la poésie au centre des cœurs.
Eclats de souvenirs
Dans cet article, le Dauphiné Libéré a retracé la carrière du poète. Nous n’y reviendrons donc pas. Place à quelques éclats de souvenirs…
Voilà Vital Heurtebize et son verbe ensoleillé accueillant ses compagnons en poésie au Hang’art, rue de la Seine à Paris, dans le bassin de La Villette…
La belle voix de Claire Dutrey sème des vers de Vital pendant que l’automne offre à la Seine ses couleurs que l’hiver reprendra trop vite…
Soirée au domicile de Christiane et Vital à Orange où Jean-Philippe Azéma dit les Soliloques du Pauvre de façon tellement poignante que je n’en suis pas encore revenu…
« Merde v’là l’hiver! » Et Vital s’en va au printemps comme une alouette rendue à sa liberté.
Jean-Noël Cuénod
Qu’il me soit pardonné si quelques fois j’insiste:
Je sais pour l’avoir vu, qu’un autre monde existe…
C’est ce que mon appris mes trois petites morts.
Vital Heurtebize
POEMES DE VITAL DITS PAR CLAIRE DUTREY ET ALAIN MORINAIS