Gilets Jaunes un peu bruns Macron vert pâle(V)

gilets jaunes-manifs-Macron-FrancePas question d’assimiler le mouvement des Gilets Jaunes dans son ensemble aux nouvelles formes de fascismes (suite de notre série). Cette agrégation de colère a commencé sans contenu idéologique précis. Il n’empêche que parmi les bloqueurs les plus actifs, plusieurs d’entre eux ne cachent pas leur sympathie pour l’extrême-droite. Et certains passent aux actes.

Parmi les nombreux incidents qui ont émaillé les blocages d’accès routiers, trois sont emblématiques des haines de cet « Ur-fascisme » ou fascisme originel, évoqué dans le précédent texte : homophobie et racisme.

Samedi matin, le conseiller municipal Raphaël Duret se rendait au Centre Leclerc de Bourg-en-Bresse dans une Twingo conduite par son compagnon. Devant le barrage des Gilets Jaunes, le conducteur ralentit, roule au pas, hésite en espérant pouvoir se faufiler. C’est alors que plusieurs Gilets Jaunes ont martelé de coups la vieille Twingo, brisant la plage arrière, « étoilant » d’autres vitres, arrachant les rétroviseurs, endommageant la carrosserie. En sortant du véhicule, le conseiller municipal de Bourg-en-Bresse et son ami ont été pris à partie. L’un des agresseurs s’est écrié : « Je les reconnais, c’est des pédés ». Les deux victimes ont pu être dégagées par les policiers.

Dans l’après-midi, au rond-point d’Auchan-Fayet à Saint-Quentin en Picardie, une automobiliste musulmane qui s’était arrêtée au point de blocage a dû enlever son voile sous la menace de Gilets Jaunes qui dansaient devant la voiture en mettant leur gilet jaune sur la tête et en faisant des grimaces singes.

Le même jour, une automobiliste noire a été agressée par des Gilets Jaunes qui l’ont ainsi traitée devant ses enfants : « Retourne chez toi, retourne dans ton pays », « dégage », « casse-toi pouffiasse ! », « l’histoire des Noirs, on ne veut plus entendre parler de ça » (consulter la vidéo ci-dessous).

Gilets Jaunes: dérapages mais pas que!

Simples dérapages qui ne sauraient décrédibiliser tout le mouvement ? Il y a de cela, en effet. Mais pas que ! Marine Le Pen, pour l’instant, gère bien sa comm’ en soutenant juste ce qu’il faut le mouvement sans trop en faire. En revanche, sur le terrain, les militants RN sont bien présents pour récupérer le mouvement. Parmi leurs mots d’ordre, le classique « On a tout essayé. Tentons le Rassemblement National » qui, cette fois-ci, peut faire mouche aux élections européennes.

En outre, le fait de bloquer les accès routiers est souvent utilisé par les mouvements d’extrême-droite : rappelons-nous le blocage des routes organisé au Chili par les chauffeurs routiers afin d’ouvrir, si l’on ose dire, un boulevard à l’armée de Pinochet pour renverser le président socialiste Allende et instaurer la dictature militaire.

Cet agrégat de colères disparates n’a pour l’instant aucune colonne vertébrale politique et les Gilets Jaune risquent de rejoindre les Bonnets Rouges dans le vestiaire des grognes perdues. Toutefois, si un parti est en mesure de les récupérer, c’est bien le clan Le Pen. Wauquiez n’a même pas réussi à s’imposer au sein de sa propre formation « Les Républicains »; la France Insoumise, malgré tous ses efforts, n’arrive pas à convaincre un nombre significatif de Gilets Jaunes car son discours est parasité par le prurit égotiste et les sautes d’humeur de son chef Mélenchon.

En matière de recyclage, Emmanuel Macron cherche sans doute à récupérer l’électorat conservateur des classes aisées qui déteste par-dessus tout la chienlit d’où qu’elle vienne. Il reste donc campé sur ses positions. L’actuel président sait bien que s’il cède, les Gilets Jaunes ne lui en sauront aucun gré ; il perdrait alors le vote des électeurs favorables à la tranquillité publique et celui de tous les inquiets de la pollution galopante.

Les dangers du Macronisme

Comble du comble, Macron apparaît, en effet, comme le président qui aura su imposer une fiscalité axée sur la transition écologique. Mais une véritable politique « verte » aurait consisté à développer une pédagogie intense pour convaincre un peuple français qui, contrairement à d’autres, ne se montre guère sensible aux arguments écologiques, à prendre les mesures nécessaires pour rendre ces augmentations de taxes supportables à ceux qui se débattent pour parvenir à boucler leurs fins de mois et à en faire supporter le poids principal aux catégories les plus aisées.

De plus, en privant les collectivités publiques de leurs ressources tout en les assommant de charges, le président Macron empêche le développement des transports publics régionaux. La comparaison entre les TER poussifs qui desservent chichement la province et les TGV rutilants qui relient les métropoles donne une image assez fidèle de la politique gouvernementale depuis plusieurs lustres et que l’exécutif macronien ne fait qu’accentuer. Vert, Macron ? Vert très pâle plutôt, car il est en train de rendre la cause écologique encore plus impopulaire.

La tactique autoritaire qu’il adopte de plus en plus montre surtout à quel point sa politique est une non-réponse aux nouvelles formes des fascismes contemporains. Le fumier sur lequel poussent ces plantes vénéneuses a pour origine l’hypercapitalisme mondialisé et sauvage (lire « Un Plouc chez les Bobos » du 25 octobre 2018 : Faux populismes et vrais fascismes-1). Or, pour Emmanuel Macron, il faut que la France s’adapte de gré ou de force à cette nouvelle donne. Quitte à laisser croupir dans les talus, les ouvriers, les paysans, les chômeurs, tous ceux qui ne peuvent pas s’adapter, pour une raison ou une autre. Et ça fait du monde ! Du monde qui se tournera vers les nouveaux fascismes puisque l’offre de la gauche a perdu sa crédibilité. Comme en Italie.

Il sera impossible de contrer les forces d’extrême-droite en continuant d’ignorer la masse de plus en plus imposante des laissés-pour-compte de la mondialisation. C’est en cela qu’Emmanuel Macron et sa non-réponse constituent un danger pour la démocratie.

Jean-Noël Cuénod

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