Esprit du 11-Janvier, es-tu las?

Le grand parti des chouineurs et autres pleureuses y va donc de sa larme plus au moins saurienne sur l’ «esprit du 11-Janvier» qui n’aurait pas survécu à l’arrivée du printemps.

– Esprit du 11-Janvier es-tu là?
– Non, je suis las…
– Ah lala!

Croyait-on sans rire que cette effervescence, née des marches républicaines en réponse aux attentats de janvier à Paris, allait perdurer? Comme l’a écrit le poète soviétique Maïakovski dans la lettre annonçant son suicide : «La barque de l’amour s’est brisée contre la vie courante». Maintenir l’effervescence est malaisé en chimie mais en politique, un tel prodige est impossible à réaliser. Le destin du soufflé, c’est de retomber.
D’autant plus que nombre de médias ont identifié l’ «esprit du 11-Janvier» avec la cote de popularité du président français. Tant que les sondages souriaient à l’Elysée, l’esprit restait présent. Dès qu’il a fait la grimace à François Hollande, pffuit, le voilà transformé en pet de lapin. Absurde! C’est confondre l’écume de la chose publique avec la vague de fond.

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Ce qui s’est passé dimanche 11 janvier, a dépassé le coup médiatique et le simple répit d’un président aux abois qui, eux, étaient destinés à s’évaporer rapidement. Une prise de conscience d’une telle ampleur – quatre millions de citoyens dans les rues – aura forcément des prolongements à moyen et long termes. L’ «esprit du 11-Janvier» agira mais de façon souterraine et diffuse. Un peu à la manière de Mai-68 qui a sombré dans le vote pro-gouvernemental un mois plus tard, mais qui est tout de même parvenu à bouleverser les mentalités au fil des années 70.

Quelles que soient les vicissitudes électorales, le germe semé dans les consciences lors d’un froid dimanche de janvier va croître. Mais sous quelle forme? C’est là le vrai sujet. C’est le véritable projet à concevoir dès maintenant, à savoir comment capter cet esprit pour qu’il irrigue la France. Et au-delà.
Il reste un obstacle de taille à surmonter: les institutions de la Cinquième République. De par leur caractère autocratique, leurs structures fortement hiérarchisées, leurs modes d’élections qui favorisent les batailles d’égos, elles réduisent le débat politique à un steeple-chase pour écuries présidentielles. Les marches républicaines ont démontré qu’il y avait dans le peuple un réel «désir de politique» – mais de politique «autrement»! – que seule une forme, encore à déterminer, de démocratie directe peut assouvir.

La question des institutions n’est pas qu’une polémique pour spécialistes. Elle est devenue cruciale pour donner un corps à l’ «esprit du 11-Janvier».

Jean-Noël Cuénod

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