Covid-19 : la persistance dans l’errance

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En Suisse aussi (ici à Lausanne, manifestation du personnel de la restauration), les décisions gouvernementales ont été critiquées (photo Keystone / Jean-christophe Bott)

Certes, contre le Covid-19, certains Etats semblent mieux s’en sortir que d’autres. La Finlande ou Taïwan, apparemment. Même s’il faudrait y voir de plus près avant de leur décerner le Prix Nobel de médecine. Mais dans leur écrasante majorité, les gouvernements ont failli, parfois gravement. Quelles que soient leur orientation idéologique et leur architecture constitutionnelle.

Fédéralistes ou centralisateurs, démocratiques ou despotiques, la plupart des Etats ont mal géré la pandémie. Pour leur défense, ils répètent façon mantra, le caractère imprévisible de la contamination, son extrême rapidité de propagation et ses caractéristiques épidémiologiques, notamment, le fait que des personnes ne présentant aucun symptôme peuvent transmettre le coronavirus maudit.

Cette plaidoirie pouvait être formulée lors de la première vague. Et encore, le phénomène épidémique est tout sauf une nouveauté dans l’histoire humaine ! Et puis, les alertes n’ont pas manqué ces dernières années.

Mais elle s’effondre sous les sarcasmes après la deuxième, voire troisième vague qui se profile. Alors, que se passe-t-il docteur ?

Chaque gouvernement a commis ses bourdes particulières. Mais ces erreurs peuvent être catégorisées en fonction de leurs structures étatiques propres.

Conduire un Etat en… état d’ivresse égotique

A classer d’emblée hors-catégorie, les Etats conduits par des clowns en état d’ivresse égotique : les Etats-Unis de Trump et le Brésil de Bolsonaro qui sont les deux pays qui comptent le plus de morts, respectivement plus de 330.000 et plus de 190.000 (lire ici le classement). Ils ont tellement fait et dit n’importe quoi durant la contamination qu’on ne saurait tirer d’autres leçons que celle de leur démentielle incompétence.

La Grande-Bretagne de Boris Johnson (plus de 75.000 morts, pays d’Europe le plus touché avec l’Italie) se situe un cran un peu en-dessous en matière d’incohérence gouvernementale mais lui aussi a dit tout et son contraire. A donner le vertige même sans être atteint du Covid-19. Dans ce contexte, Bo Johnson, c’est Mr. Bean se prenant pour Churchill.

Centralisateurs et fédéralistes

Fort logiquement, les Etats centralisés comme la France ont fait observer les mesures de restriction sanitaire de façon plus uniforme et plus efficace que les Etats fédéraux. La Suisse, notamment, a subi nombre de décisions contradictoires en fonction des décisions prises par les cantons, plongeant parfois le pays dans l’incohérence.

A contrario, le centralisme à la Française, en réduisant les lits d’hôpitaux de façon autoritaire, s’est trouvé dans une situation catastrophique pour faire face à l’afflux d’hospitalisations et de demandes en réanimation. Alors que la Suisse et la plupart des Etats fédéraux, plus respectueux des aspirations locales, disposaient de lits en suffisance et d’un nombre à peu près idoine d’appareils de réanimation.

Entre Etats despotiques (électifs ou non) et Etats démocratiques, les errances n’ont manqué ni aux uns ni aux autres. Mais pas pour les mêmes raisons.

La Rosière du village mondial

Les dirigeants des premiers ne cessent de crier victoire et de montrer en exemple leur stratégie anti-Covid. Que le patron de la Chine, Xi Jinping, vante dans son allocution de Nouvel-An l’excellence de son pays dans la lutte contre le coronavirus, cela fait penser à Madame Claude se décernant le titre de Rosière du village mondial !

C’est tout de même à cause du silence imposé par la dictature chinoise aux médecins qui avaient donné l’alerte que la pandémie a pu se répandre à un tel rythme. De plus, le pouvoir de Pékin en a profité pour renforcer ses mesures liberticides, notamment à Hong-Kong.

Poutine s’est lui aussi pavané devant ses médias pour dire à quel point la Russie avait bien résisté aux assauts covidiens. Quelques semaines plus tard, les chiffres réels sont apparus. Résultat : la Russie se situe au troisième rang en nombre de décès dus au coronavirus. La Turquie d’Erdogan a connu semblable situation : après une comptabilité de propagande, les chiffres réels ont démontré que ce pays faisait partie des plus atteints.

Les pays démocratiques se sont montrés moins opaques. Mais la démocratie ne saurait devenir la baguette magique pour faire disparaître le coronavirus. Les décisions cafouilleuses se sont donc multipliées au sein des démocraties comme ailleurs.

La différence et l’idéal

Ce qui fait la différence entre les uns et les autres ? Pour endiguer la pandémie, les Etats despotiques ont l’avantage d’appliquer des mesures coercitives sans en être empêché par ces emmerdeurs d’électrices et d’électeurs.

Mais, gros écueil, comme personne n’ose moufter dans l’entourage du Chef, celui-ci n’est pas en situation de voir la réalité telle qu’elle est. Ce qui n’est pas la meilleure position pour prendre des décisions intelligentes.

Les Etats démocratiques disposent, eux, d’une meilleure vision et sont donc mieux à même d’édicter des mesures efficaces.

Mais, gros écueil, comme leurs dirigeants sont obsédés par cet objectif, se faire réélire (ou faire élire leur dauphine ou leur dauphin), ils n’osent pas appliquer les mesures impopulaires ou, le plus souvent, les diffèrent ce qui aggrave la situation.

L’idéal serait que les Etats centralisateurs mettent un peu de fédéralisme dans leurs structures, que les Etats fédéralistes ajoutent de la cohérence à leur système, que les Etats démocratiques assument l’impopularité. Et que les dictatures acceptent le débat fructueux. A la suite de cet énoncé, il apparaît évident que l’idéal n’est point de ce monde !

Jean-Noël Cuénod

 

1 réflexion sur « Covid-19 : la persistance dans l’errance »

  1. Excellent. J’adhère totalement à ton analyse.
    Pour l’humour, je te conseille le dernier sketch des Chevaliers du Fiel « Covid, en France on est les meilleurs »

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