Climat et terrorisme invités d’horreur de COP 21

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A peine est-il remis de l’attentat du 13 novembre, que Paris accueille 150 chefs d’Etat participant à la conférence COP21 qui vise à limiter le réchauffement climatique. Passons sur la mobilisation massive des forces de l’ordre, déjà suroccupées par la traque aux terroristes, et les recommandations contradictoires du gouvernement français qui incite les Parisiens à prendre les transports publics en les rendant gratuits pendant deux jours, tout en leur demandant de renoncer à les utiliser pour ne pas les engorger. Mais alors, pourquoi avoir décidé de leur gratuité?

En matière de blague belge, Paris vaut Bruxelles. D’autant plus que les médias français ont couvert d’opprobre la Belgique après les attentats. Avant de se rendre compte, mais du bout des lèvres, que les autorités françaises portaient, elles aussi une grande part de responsabilité.

La lutte contre le terrorisme devrait aussi s’inviter à COP21 et pas seulement sous la forme de milliers de policiers déployés dans la capitale et sa région. Les pays industrialisés ont développé une dépendance aux énergies pétrolières et gazières qui tient de l’addiction pathologique (pas trop logique non plus d’ailleurs). Or, les émissaires et autres imams au verbe de sang sont envoyés, payés, soutenus notamment par l’Arabie Saoudite. Grâce aux revenus gargantuesques générés par son opulent sous-sol, la monarchie saoudienne s’efforce ­– souvent avec succès  – d’imposer au reste des pays musulmans sunnites sa théologie wahhabite, une forme particulièrement arriérée, intolérante et violente de l’islam.

Le wahhabisme interdit toute interprétation du Coran et de la sunna (tradition) qui doivent être abordés au pied de la lettre, sans réflexion. Les recherches pour tenter de comprendre les multiples significations que recèlent ces textes sacrés sont interdites, de même que toute innovation. Il faut lire la lettre, uniquement la lettre, car l’esprit est de trop. L’intelligence, la réflexion sont des agents diaboliques. Dès lors, l’ésotérisme est proscrit et toute la richesse des exégèses soufies vouée aux flammes de Shaïtan. D’ailleurs, les wahhabites considèrent les soufis (membres des confréries ésotériques de l’islam) mais aussi les chiites comme n’étant pas des musulmans.

Le nom de la secte wahhabite est tiré de celui de son fondateur Mohamed ben Abdelwahhab, né vers 1703 au nord de l’actuelle Arabie Saoudite. Sa vision incroyablement étriquée de l’islam a longtemps été méprisée par la plupart des savants musulmans; elle a même été rejetée par le propre père de son concepteur. Abdelwahhab tire sa doctrine littéraliste de l’école la plus fermée de l’islam sunnite, le hanbalisme. Il lui donne une vision encore plus intégriste que celle d’origine.

Son alliance avec un émir d’envergure locale – Mohamed ibn Saoud – va changer son destin. Et celui de l’Arabie. L’émir ibn Saoud et le prêcheur intégristes Abdelwahhab concluent un pacte aux termes duquel les deux hommes se partagent le pouvoir. A Saoud, le règne politique, à Abdelwahhab, la police religieuse. Le sabre est sanctifié par le prêche. L’un conforte l’autre. Pour sceller cet accord, l’émir donne sa fille en mariage au prêcheur.

Nantie d’un corpus idéologique des plus simplistes qui favorise le recrutement des fanatiques, cette alliance du sabre et du Coran permettra d’unifier les tribus arabes sous la gouverne d’ibn Saoud et servira de base au futur Royaume d’Arabie Saoudite. Par la suite, la Grande-Bretagne a instrumentalisé le clan Saoud-Abdelwahhab contre l’empire ottoman et encouragé la propagande wahhabite pour semer la division au sein de cet empire.

Après la Première Guerre mondiale, l’empire ottoman s’est effondré, permettant à la famille ibn Saoud de conquérir le Hedjaz qui comprend La Mecque et Médine. Cette famille devient protectrice de ces lieux saints ce qui ouvre à la secte wahhabite des horizons inespérés. Avec la fusion du Hedjaz et du Nejd, le nouveau Royaume d’Arabie Saoudite est fondé en 1932. Les descendants d’Abdelwahhab demeurent les gardiens des mœurs sectaires et ceux d’ibn Saoud restent les propriétaires du pouvoir politique. On ne change pas une équipe qui gagne.

Le pouvoir saoudien sera conforté par les Etats-Unis qui lui assurent leur protection, lors de la rencontre le 14 février 1945, sur le croiseur américain USS Quincy, entre le roi ibn Saoud et le président Roosevelt qui venait d’assister à la conférence de Yalta. L’Arabie Saoudite craint l’émergence des mouvements nationalistes laïques arabes et même des partis communistes en création au Moyen-Orient. Elle cherche donc à s’abriter sous le parapluie américain. Washington voit alors d’un très bon œil la propagation du wahhabisme dans cette région du monde, afin de faire contrepoids à l’influence de Moscou.

Le wahhabisme va continuer à s’implanter dans les pays sunnites et bientôt dans les banlieues européennes, notamment en France et en Belgique. C’est cette idéologie puritaine, sectaire, intolérante et violente qui est diffusée en Europe par des imams et dans des mosquées richement dotés par le pouvoir saoudien. Sa diffusion est rendue encore plus aisée par le contenu très rudimentaire des prêches. Goebbels faisait de la rusticité des mots d’ordre (on ne saurait parler d’arguments!), la clef des succès nazis. C’est le même processus que nous voyons aujourd’hui à l’œuvre avec la secte d’origine saoudienne.

Désormais, l’Arabie Saoudite, le Qatar, les Emirats Arabes Unis font partie de la coalition contre l’Etat Islamique en Syrie. Mais ce sont ces mêmes pétromonarchies qui lui ont mis le pied à l’étrier en le finançant à ses débuts. Surtout, l’Etat Islamique partage avec elle la même idéologie. Ce sont elles, les pétromonarchies, qui ont armé le cerveau des futurs terroristes de Paris.

Malgré ce constat, les pays démocratiques continuent à subventionner massivement l’Arabie Saoudite et ses émirats voisins par leur addiction pétromaniaque. Alors, pourquoi ne pas sauter sur l’occasion offerte par COP21 pour élaborer un plan d’action digne de ce nom et sortir de notre pétrodépendance? Nous ferions d’une pierre deux coups, en limitant le réchauffement climatique et en privant de ressources des monarchies qui restent nos ennemies idéologiques.

Malheureusement, notre cupidité a tissé tellement de liens commerciaux avec elles que ce souhait risque fort de rester à l’état de vœu pieux.

Jean-Noël Cuénod

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