L’Etat dans tous ses états d’urgence

MediaPresse Info

Le président François Hollande et son premier ministre Manuel Valls (photo Média-Presse-Info) sont tellement satisfaits de l’état d’urgence qu’ils veulent l’inscrire dans la Constitution française et porter sa durée maximale à six mois (trois mois actuellement).

Valls a établi devant les médias un premier bilan de cette urgence dans tous ses états: «Nous sommes à plus de 2000 perquisitions administratives qui ont été menées depuis la mise en place de l’état d’urgence. Elles ont permis de saisir 320 armes, dont une trentaine d’armes de guerre. Plus de 250 procédures judiciaires ont été initiées suite à ces perquisitions, plus de 210 personnes ont été placées en garde à vue».

En quoi consiste l’état d’urgence? Les préfets peuvent ordonner le couvre-feu, instituer, selon la loi de 1955 adoptée au début de la guerre d’Algérie, «des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est règlementé» et interdire de séjour «toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit l’action des pouvoirs publics».

Le ministre de l’Intérieur a le droit d’assigner à résidence toute personne qu’il estime dangereuse pour l’ordre public ainsi qu’avec les préfets, à fermer les salles de spectacle, débits de boisson et lieux de réunions.

Ledit ministre et ses préfets ont aussi la possibilité d’ordonner des perquisitions de police à domicile – dites administratives car se déroulant sans le contrôle d’un juge – de jour et de nuit.

Et enfin, une disposition peu évoquée mais particulièrement inquiétante permet au ministre de l’Intérieur et aux préfets de prendre toute mesure pour contrôler la presse et les médias.

Déjà les premières dérives apparaissent. Une ferme de maraîchers bio dans le Périgord Vert a été perquisitionnée pendant des heures et fouillée dans les moindres recoins. S’attendait-on à y découvrir des ceintures de carottes explosives? Bien entendu, les policiers n’ont rien trouvé et sont repartis comme ils étaient venus. Pourquoi cette perquisition? Ces fermiers qui militent pour l’agriculture écologique n’ont pas le plus petit lien avec le terrorisme. Les policiers ont simplement signalé à ces jeunes paysans qu’ils avaient participé, il y a trois ans, à une manif contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Ce qui fait d’eux des suspects, bien sûr.

D’autres militants écologistes ont été assignés à résidence. Une famille de Seine-Saint-Denis a été traumatisée par l’apparition de policiers qui ont débarqué dans son appartement par erreur… Pendant ce temps-là, un vrai islamoterroriste, bien dangereux, bien radicalisé, bien armé, Salah Abdeslam en l’occurrence, court toujours malgré l’état d’urgence.

Les bavures de ce genre vont s’accumuler, car lorsque les autorités ont la bride sur le cou, elles ont toujours tendance à s’emballer et à faire n’importe quoi. Y compris régler des comptes avec les militants opposés à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui sont quand même un tout petit moins dangereux que les barbus sanguinaires.

La France vivait un moment rare dans son Histoire, à savoir le soutien populaire aux forces de l’ordre. En multipliant les dérives suscitées par l’état d’urgence, ce soutien risque fort de disparaître. Or, policiers et gendarmes en ont plus que jamais besoin pour mener leurs missions.

Que l’Etat protège les institutions et les citoyens par des mesures exceptionnelles, c’est indispensable. Mais ces mesures, elles doivent le rester, exceptionnelles, au risque de vider la démocratie et l’Etat de droit de leur substance. Or, la démocratie, l’Etat de droit, la liberté individuelle, la liberté de la presse ce sont justement les valeurs que veulent abattre l’Etat islamique et les intégristes musulmans. Veut-on leur faciliter la tâche en les abandonnant ?

Au lieu de graver dans le marbre gaullien de la Constitution une sorte de permanence de l’urgence, il serait plus utile, pour combattre le terrorisme, de donner aux gendarmes et policiers les moyens en personnel et en matériel qu’on leur promet toujours mais qu’on leur octroie rarement.

Et puis, est-il vraiment utile de rendre constitutionnels autant de pouvoirs de contrainte, au moment où le clan Le Pen et l’extrême droite risquent d’être portés à l’Elysée ?

Jean-Noël Cuénod

2 réflexions sur « L’Etat dans tous ses états d’urgence »

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  2. Du rififi pour les Loulous…
    Pieds nickelés au pouvoir, pourvu que le plomb ne s’invite pas à la fête !

    – Regardons, hier j’ai voulu signaler aux commissariats que des individus stationnés sur le trottoir (depuis plusieurs années) et me forçaient à me mettre en danger sur la voix rapide… « On a pas que ça à faire ». Normal, banalité !
    (j’étais poli pourtant, je n’ai pas dit qu’ils vendaient de la drogue et parlaient de bracage)

    – Le maraicher bio était il sur écoute ? Pas de chance
    « Attentats de Paris: le jeune frère d’Abaaoud serait « en route » pour le venger « , mauvais pioche.
    http://www.bfmtv.com/societe/attentats-de-paris-le-frere-d-abaaoud-en-route-pour-le-venger-934060.html

    – 30 armes de guerre trouvées…
     » Selon les estimations, 10 millions d’armes pourraient être en circulation, parmi lesquelles seulement 4 millions sont légalement détenues (chiffre officiel).  »
    http://www.huffingtonpost.fr/2015/11/13/armes-a-feu-france-trafic-armes-france-chiffres-bernard-cazeneuve-plan-ministere-interieur_n_8553006.html

    – Désolé pour nos ami(e)s suisse, d’un tel moment de flou Français !

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