Burqa : une votation pour rien

burqa-votation-suisseA 51,2% seulement, le peuple suisse a approuvé l’interdiction de dissimuler son visage sur la voie publique. Sous cet intitulé chafouin, l’initiative lancée par un faux-nez du parti xénophobe UDC visait en fait le port du niqab et de la burqa, symboles du machisme islamiste. Elle visait surtout à aider l’UDC à conjurer sept ans de défaite.

Sous le niqab du « Comité d’Egerkingen », l’UDC donc apparemment tenu son pari gagné d’avance : appeler les citoyens suisses à voter pour son initiative anti-burqa. Franchement, qui allait se mobiliser pour défendre le port d’un accessoire de la mode islamiste qui efface de la rue des hommes le visage de la femme ?

Eh bien, il s’est trouvé près de la moitié du corps électoral helvétique à voter « non » à l’initiative anti-burqa alors que l’on aurait pu s’attendre à un plébiscite en sa faveur ! Sans doute les initiatives de l’UDC sont-elles en train de lasser un nombre accru d’électeurs. Pour les blochériens de l’UDC c’est une victoire certes, mais en demi-teinte.

Antimusulmane, cette votation ? Tout d’abord, le voile intégral ne figure pas dans le Coran qui se contente de demander aux femmes d’adopter une tenue décente. Cette « gomme vestimentaire » n’est qu’une coutume imposée par les éléments les plus obscurantistes, les plus gynophobes de l’islam qui dominent certains pays du Moyen-Orient.

Pas de comparaison avec la votation contre les minarets

La votation de ce dimanche n’est donc pas comparable avec celle de 2009 qui a interdit la construction de minarets. En cette dernière occurrence, l’UDC avait pris pour cible un élément classique de l’architecture des lieux de prière de l’islam, ce qui ne pouvait manquer d’atteindre l’ensemble des musulmans de Suisse. La dimension islamophobe était explicite.

Rien de tel aujourd’hui. On ne saurait assimiler le vote contre la burqa-niqab à un geste raciste.  Même si ce prurit a pu affecter certains votants, il n’y a pas, dans la Suisse de 2021, 52% d’islamophobes. Les relations entre musulmans et non-musulmans sont plutôt moins tendues dans notre pays que chez nos voisins. Ajoutons qu’un homme politique suisse de religion musulmane, Mohamed Hamdaoui (député centriste au parlement cantonal bernois), avait appelé à voter en faveur de l’initiative anti-burqa.

Interdit de se voiler, contraint de se masquer !

Alors à quoi va-t-elle servir cette interdiction de dissimuler son visage ?  Tout d’abord, relevons son côté farce : il sera interdit de cacher sa bobine au moment où nous devons porter le masque contre le Covid ! Plus sérieusement, le port du niqab ou de la burqa est rarissime en Suisse. Il ne concerne que les touristes saoudiennes ou d’autres pays de semblable régime. Je prends le pari qu’aucun gendarme n’ira leur coller une amende lors des Fêtes de Genève. On ne va pas embêter de richissimes clients de la joaillerie helvétique, quand même !

Sur les quai du Rhône et de la Limmat, l’argent a une odeur qu’aucun voile ne filtre, celle du pétrole.

Alors à quoi a-t-elle servi cette initiative ? A rien. Même pas à enrichir le nécessaire débat entre musulmans et non-musulmans. Même pas à enrayer le déclin de l’UDC.

Jean-Noël Cuénod

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