Politique d’extrême droite pour éviter l’extrême droite

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Entre Bardella et Ciotti, la différence n’est que capillaire. ©Sipa Press via L’Opinion

Pour éviter la peste, vite inoculons-nous en le  bacille à forte dose! Nous tomberons certes malades mais de notre propre main. Telle est la nouvelle ordonnance du président Macron prescrite à l’occasion de la loi sur l’immigration qui vient d’être votée par les députés RN, LR et une majorité de macronistes. Le parlement français a désormais un patron, ou plutôt une patronne: Marine Le Pen.

« C’est une victoire idéologique pour le Rassemblement national », a-t-elle clamé à l’issue du vote parlementaire. Ce n’est plus une fanfaronnade, c’est devenu une évidence.

la France n’est pas la seule, hélas, à céder à la législation xénophobique. Le vent des identitaires souffle partout ses pestilences.

Entre Ciotti et Bardella la différence n’est que capillaire

En tant que vecteur de l’idéologie libérale, LR (Les Républicains) n’existe plus depuis longtemps. Entre Eric Ciotti et Jordan Bardella, la différence n’est plus que capillaire.

La tactique du « en même temps » ayant sombré assez rapidement, la Macronie a voulu devenir ce truchement libéral qui était assez bien symbolisé par la formule du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin pour propagander son projet de loi « immigration »: « être gentil avec les gentils et méchants avec les méchants ».

L’extrême droite RN voulant être méchante avec tout le monde (enfin tout le monde qui n’est pas franco-français), c’est elle qui l’a emportée, les députés LR lui ayant servis de troupes supplétives. Chose normale après tout, puisqu’idéologiquement, ils se sont couchés devant le clan Le Pen.

La droite abandonne le libéralisme

La nouveauté, très relative certes, est que la Macronie a tout cédé aux extrêmes de la droite, LR et RN confondus dans la même fange. Non sans mal, car si 131 députés de Renaissance ont accepté la loi, 20 d’entre eux ont voté contre, 17 se sont abstenus, deux ont préféré ne pas participer au vote. Et un poids lourd du gouvernement, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau, vient de claquer la porte.

L’acceptation de cette loi symbolise donc l’abandon, par toute la droite, à l’exception d’une petite minorité, de son libéralisme au profit de l’idéologie nationale-autoritaire qui, partout ou presque, à le vent en poupe.

Le calcul de l’ex-droite-propre-sur-elle serait donc de donner des gages à l’extrême-droite pour tenter de capter le flot croissant de son électorat.

Calcul absurde, bien sûr. Quelle soit signée LR ou Macron n’enlève rien à la scélératesse d’une loi.

Une loi pour la mafia des passeurs

De plus, il en ira avec elle comme avec toutes les autres mesures répressives. Le durcissement des arsenaux législatif et policier aura pour effet le renforcement des bandes de passeurs. Plus l’obstacle sera malaisé à surmonter, plus les passeurs devront se placer dans les mains des mafias qui disposent des moyens financiers pour exercer la corruption et des relais logistiques pour contourner les obstacles frontaliers.

Ce qui se produit avec le trafic des stupéfiants, se passera aussi avec la traite des humains.

Ironie de la situation: à l’heure où les autorités se posent la question de la légalisation, en tout ou partie de la drogue, les élus font l’inverse concernant l’immigration illégale! Pourtant, les mêmes causes produiront les mêmes effets.

La droite a-t-elle choisi le déshonneur moral au profit de la lutte contre l’immigration illégale? Elle aura le déshonneur et une immigration encore plus incontrôlable que maintenant. Bravo les artistes!

Le blanchiment des idées sales

Passons sur la formule classique du vieux Le Pen: « les électeurs préfèreront toujours l’original à la copie ». Dans l’esprit du public, restera l’impression que l’ex-droite-propre-sur-elle a intériorisé les notions de préférences nationales, de xénophobie, d’autorité comme mode principal de gouvernement et, ce faisant, les a placées au rang d’options politiques tout à fait légitimes, voire désirables.

Dès lors, pourquoi s’embarrasser des valets macron-LR? Autant voter pour le véritable maître du jeu, le RN.

C’est tout un pan du capitalisme qui est en train de basculer. Il paraît aujourd’hui mieux fonctionner avec la turbine nationale-autoritaire qu’avec le moteur libéral, la Chine se posant en exemple majeur de cette évolution.

Un espace se libère pour la gauche, mais…

L’effacement de la droite libérale ménage un espace à la gauche qui devient ainsi la seule, ou presque, à incarner les notions de liberté, d’émancipation, de justice.

A-t-elle les moyens de relever ce défi? Pour l’instant, ni en France ni ailleurs elle en paraît capable, faute de donner un contenu fort à sa démarche. Il faudrait tout d’abord qu’elle sache où elle habite: le socialisme reste-il son cap? Mais alors sous quelle forme après le Goulag et la dilution de la social-démocratie dans le brouet libéral?

Son réveil devient une urgence absolue car la gauche se révèle plus indispensable que jamais. Le libéralisme rendait le capitalisme un peu plus vivable, malgré tout. Avec sa version nationale-autoritaire, nous allons morfler grave.

Jean-Noël Cuénod

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