Christian Grobet n’est plus: elle avait de la gueule, la gauche…

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Christian Gobet ©Pierre Abensour-Tribune de Genève

Ainsi, Christian Grobet a passé l’âme, à gauche bien sûr. Ce grand Genevois avait 82 ans. Il en aura fait trembler, des régisseurs, des banquiers, des patrons, sans omettre ses adversaires de droite! Tous lui ont voué une inimitié vorace, coriace, tenace. Sa puissante voix de bronze au fort accent genevois vibre encore à leurs oreilles. Grande gueule. Et belle gueule de boxeur.

Nous avons dit « inimitié » mais sans user de ce mot devenu si banal, « haine ». Car Grobet ne la suscitait pas. S’il se montrait très rugueux dans ses rapports avec ses adversaires, ceux-ci admettaient néanmoins sa franchise et sa loyauté. « Au moins avec lui, on sait on l’on va! C’est pas un faux-cul! », me confiait un jour le conseiller d’Etat (ministre genevois) libéral, feu Jaques Vernet.

Rugueux, pugnace et loyal

Cette loyauté démontrait que, malgré une rhétorique plus révolutionnaire que réformiste, Grobet avait parfaitement intégré et respecté l’esprit du combat politique en Suisse. Ainsi, adversaire acharné de l’autoroute de contournement de Genève, Christian Grobet a-t-il mis toute son énergie à la réussite de ce projet, une fois élu au gouvernement genevois.

Uni-Mail, les nouveaux Palais de Justice et Hôtel de Police sont sortis de terre lorsqu’il était ministre des travaux publics. Les locataires lui sont redevables d’une forte protection juridique à laquelle les milieux immobiliers s’attaquent régulièrement avec peu de succès. Avocat de formation, Grobet était un fin juriste doublé d’un gros bosseur. Pas facile de détricoter une Lex Grobet!

50 ans de combat

Sous la bannière du Parti socialiste, puis de l’Alliance de Gauche, au conseil municipal, au parlement (Grand Conseil) et au gouvernement (Conseil d’Etat) genevois jusqu’au Conseil national, Christian Grobet a marqué la politique à Genève mais aussi à Berne.

Il s’en est fallu de peu qu’il devienne conseiller fédéral en 1987, lui qui était pourtant très ancré à la gauche du Parti socialiste. C’est finalement le pâle et consensuel René Felber qui lui damera le pion (à lire aussi l’article de notre ex-collègue Eric Budry dans la « Tribune de Genève »).

L’ancien chef de troupe aux Eclaireurs

Il est toujours ridicule de mêler ses propres souvenirs à la mémoire d’un défunt connu. Pour ma part, je vais, hélas, y céder. Que la lectrice et le lecteur me le pardonne. Car, j’ai croisé à maintes reprises la route du défunt depuis soixante ans.

Tout d’abord, comme éclaireur dans la troupe Gothard dirigée par un jeune gars remuant à l’aura sulfureuse, nommé Christian Grobet. Une troupe à la réputation antimilitariste et inclinant fâcheusement au désordre, ce qui était fort mal vu dans le monde du scoutisme. Heureusement, il y avait un chef de district compréhensif, Guy-Olivier Second en l’occurrence, futur conseiller d’Etat (ministre cantonal) radical.

Puis comme jeune socialiste plein d’illusions à l’instar de beaucoup d’autres qui ont été marqués par son exemple, Grobet démontrant que l’on pouvait promouvoir un socialisme rouge vif tout en rejetant l’exemple soviétique. Christian Grobet a été une boussole pour des générations de jeunes à Genève et ailleurs.

Les quatre grandes figures de la gauche genevoise

Certes, les relations furent souvent orageuses entre le magistrat du gouvernement genevois et le journaliste que j’étais devenu, n’étant alors plus militant depuis belles lurettes. Orage dans l’ordre normal des choses entre un élu et un reporteur mais qui n’a jamais altéré le profond respect que je n’ai cessé de lui porter.

Au XXe siècle, quatre grandes figures ont marqué Genève et au-delà: Léon Nicole, André Chavanne, Jean Ziégler et Christian Grobet. Elle avait de la gueule, la gauche!

Jean-Noël Cuénod

1 réflexion sur « Christian Grobet n’est plus: elle avait de la gueule, la gauche… »

  1. Resté un militant modèle, même aux responsabilités exécutives…
    Aux travaux publics, toujours à l’écoute du syndicat de la branche, qu’il consultait avant l’attribution de mandats aux entreprises, réactif avec audace pour protéger les travailleurs (interdiction du travail sur échasses, des colles à solvants, par exemple).
    Et surtout la LDTR, sans laquelle les locataires seraient bien davantage encore à la merci des propriétaires !

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