MIMOS, festival international de l’art du mime, a repris corps à Périgueux. L’an passé – pour la première fois depuis sa création en 1983 – il n’avait pu se dérouler pour de covidiennes raisons. MIMOS se terminera samedi. Il est encore temps d’y faire vos découvertes. Et peut-être d’en sortir ébloui, comme Le Plouc, par White Out, du chorégraphe, danseur et acrobate italien Piergiorgio Milano.
Tous ceux qui y vivent ou l’arpentent le savent bien, en montagne les sonorités, les saveurs et les odeurs se révèlent plus entêtantes qu’« en bas », les sensations, les peurs et les joies, plus intenses. L’air y est plus rare et plus aiguisé, le soleil plus brûlant, la pluie plus dense, le froid plus meurtrier. C’est le lieu où le réel se concentre à un point tel qu’il en vient à faire entrevoir l’Invisible Divin.
Habité, peut-être, par ce constat et nourri par les livres des grands alpinistes, Piergiorgio Milano a conçu cette œuvre[1]d’une rarissime originalité où se mêlent la chorégraphie, le mime et les arts du cirque. Il la décrit ainsi :
La plus grande ambition de ce spectacle est de transformer l’alpinisme en langage artistique. Créer une expérience chorégraphique et une synthèse visuelle au point de transporter l’immensité de la montagne à l’intérieur d’un théâtre, afin que le public puisse vivre de près la neige, les tempêtes, les parois rocheuses verticales.
Le monde des frontières dépassées
Le défi est à l’évidence relevé et va même encore plus loin. La performance de Piergiorgio Milano ainsi que de ses deux compagnons de cordées, Javier Varela Carrera et Luca Torrenzieri, n’est pas seulement physique et artistique ; elle laisse entrevoir la dimension spirituelle qui, au sens propre, anime l’être humain.
La montagne est le monde des frontières dépassées. Celles de nos propres limites (« jamais je ne me serais cru capable d’atteindre ce pic »), celles des Etats (« en faisant le tour du Mont-Dolent, l’alpiniste marche successivement sur les sols suisse, italien et français en quelques enjambées »), celles entre la vie et la mort qui ramènent l’humain à sa place d’éléments naturels parmi d’autres (« la montagne sera toujours plus forte que toi malgré tes bidules électroniques »). Cette présence de la mort qui toujours rôde rend tout plus vivant.
Vivant ou mort ? Telle n’est pas la question
Le spectacle (appelons-le ainsi faute de mieux) met en scène l’ascension hivernale par trois alpinistes de la face nord d’un sommet réputé inaccessible. Ils devront affronter la neige, la bourrasque glaciale, le trépas du compagnon.
L’exploit et ses préparatifs exacerbent tout, comme la montagne : la solidarité qui ruse avec la jalousie pour la surmonter, la technique rationnelle qui se met au service d’une folle entreprise, Thanatos qui revêt les charmes d’Eros, l’incursion du monde profane « d’en bas » (symbolisée par une radio débitant des tubes années 1990) qui sème la zizanie. Avec en guise de fétiche, une boule qui suit partout les protagonistes. Symbole du destin humain condamné à se coltiner son rocher de Sisyphe jusqu’à la fin des temps ? Peut-être.
Vient l’apothéose avec la conquête du sommet après de multiples chutes. L’alpiniste qui l’a conquis est-il encore vivant ? A-t-il trouvé la mort en touchant au but ?
Le but fut, en tout cas, atteint hier soir par Piergiorgio Milano et ses deux compagnons qui ont reçu, jeudi soir, les ovations du public qui a fait salle comble au théâtre de l’Odyssée à Périgueux.
En quittant la salle, plusieurs spectatrices et spectateurs ont pris dans le creux de leur main un peu de fausse neige qui tapissait la scène. Comme pour emporter quelque chose de cet impalpable que White Out nous a fait toucher du doigt.
Jean-Noël Cuénod
PRATICO-PRATIQUE
White Out s’est terminé hier. Mais de nombreux autres spectacles se poursuivent jusqu’à samedi. Le plus simple est de se renseigner sur le site du Festival (lire ici)
[1] En revanche, on ne saurait confondre ce White Out avec le film du même titre réalisé par Domenic Sena. A part la neige et le froid, bien sûr !