La Suisse entre ânes et lions

suisse-UE-Chine-espions-F-35ALe Conseil fédéral suisse a pris une série de décisions abracadabrantesques en privilégiant les Etats-Unis et la Chine au détriment de ses voisins européens et du nôtre. A s’arracher les cheveux d’un chauve. Mais à ce gouvernement d’ânes répond, par bonheur, une belle équipe de lions helvétiques admirables de courage et d’esprit collectif au championnat d’Europe de football.

Le foot console décidément de bien des avanies. Celles suscitées par les récents choix diplomatiques suisses présentent pourtant le calibre du boa (dé)constrictor. Après avoir géré de façon catastrophique les négociations avec l’Union européenne sur l’accord-cadre pour aboutir à un piteux échec, les conseillers fédéraux n’ont pas cessé de provoquer Bruxelles au lieu de calmer le jeu avec nos voisins – nos principaux clients – et de « se tirer une et même plusieurs balles dans le pied » pour reprendre l’expression de l’excellent confrère Jacques Pilet, dans l’hebdomadaire numérique Bon Pour La Tête (lire ici son analyse).

Conséquence directe de l’échec de la diplomatie suisse

Conséquence directe de l’échec des négociations sur l’accord-cadre avec l’Union Européenne, la Suisse a été écartée du programme de recherche scientifique Horizon Europe. Les Universités et les centres de recherches suisses n’auront donc pas accès à la manne de 14,7 milliards d’euros (16,1 milliards de francs) versée par la Commission européenne de 2021 à 2022.

Il n’y a pas que l’argent en question. C’est tout un mouvement puissant d’échanges scientifiques qui va passer sous le nez de nos scientifiques dont les cerveaux constituent la principale richesse de notre petit pays. Le pis est que le Royaume-Uni, malgré le Brexit, et la Turquie seront intégrés à Horizon Europe puisque ces deux Etats ont su conserver leur statut de pays associés, statut que nous avons perdu après la calamiteuse défaite de la diplomatie suisse, emmenée par le conseiller fédéral (ministre) chargé des Affaires étrangères, le libéral-radical tessinois Ignazio Cassis, et le l’UDC vaudois Guy Parmelin, qui fait office de président de la Confédération pour cette année.

Aidés par leurs confrères européens qui ont signé une lettre ouverte pour demander la réintégration de la Suisse à Horizon Europe[1], nombre de scientifiques suisses tentent de recoller les morceaux après le passage de nos bourrins fédéraux.

Trente-six F-35A nous font voir 36 chandelles

Et c’est à ce moment-là que le Conseil fédéral a choisi, pour enrichir sa défense aérienne, d’acheter à Lockheed-Martin (Etats-Unis) trente-six F-35A pour 5, 07 milliards de francs (4,64 milliards d’euros). Le gouvernement fédéral avait le choix entre deux appareils états-uniens et deux européens (Eurofighter d’Airbus construit par un partenariat réunissant l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne et le Rafale du Français Dassault). Et c’est donc l’un des deux constructeurs états-uniens qui a emporté la mise.

A ce niveau-là, entre des appareils de valeurs plus ou moins équivalentes sur le plan technologique, le choix devrait être avant tout dicté par la politique[2]. La Suisse a donc choisi les Etats-Unis contre l’Europe au pire moment. Et c’est ainsi que nos voisins ont enregistré la chose.

Alibaba et les 40 espions

Mais nous n’en avons pas fini avec les autobuts fédéraux. Pour sauvegarder les données numériques de l’administration fédérale, la Suisse a choisi – en écartant tous les prestataires helvétiques – les entreprises états-uniennes Amazon, Microsoft, IBM, Oracle et, surprise du Chef, le groupe chinois Alibaba.

Autant fournir directement tous nos petits secrets aux services de renseignements chinois et au Parti communiste de ce pays. Les services de renseignements belges ont d’ailleurs sonné l’alarme sur le rôle d’Alibaba dans l’espionnage (lire ici). On sait pourtant qu’une loi chinoise édictée en 2017 contraint toutes les entreprises de ce pays à coopérer avec les agences de renseignement de la République populaire.

Dans les deux cas, l’avion états-unien et Alibaba, c’est l’aspect financier qui a emporté la décision du gouvernement suisse. Qui n’a pour vision que celle bornée et myope, d’Harpagon. Pour quelques économies ici ou là, ce sont les intérêts majeurs du pays que le Conseil fédéral a pris le risque de sacrifier.

Exfiltrer Cassis

Il est donc temps que le président Parmelin regagne ses vignes de La Côte (excellente production d’ailleurs) et qu’Ignazio Cassis – qui est à la diplomatie ce que Rantanplan est à l’élite de la gent canine – soit exfiltré du gouvernement.

Alors, merci aux footballeurs suisses, aux origines aussi diverses qu’un arc-en-ciel, de nous avoir donné à voir une vraie équipe soudée, solidaire ; l’un suppléant aux ratés de l’autre ; chacun étant toujours prêt à entourer le porteur du ballon ; se battant pied à pied contre les meilleurs ; attentifs à l’intérêt du groupe. Des lions. Des lions nous consolant des ânes qui nous gouvernent.

Jean-Noël Cuénod

[1]  Lire à ce propos Arcinfo (ici)

[2] Il est fort probable que cet achat sera finalement soumis au peuple où ses chances de l’emporter sont pour le moins compromises.

1 réflexion sur « La Suisse entre ânes et lions »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *