Mimos (3): la voie des sans-voix

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Thomas Monckton dans « Only Bones » au Festival Mimos 2017 à la salle Sans Réserve à Périgueux. Photo Gemma Tweedie.

Mimos, le Festival international du mime et du geste, a remisé ses costumes samedi soir. Durant cette semaine quelque 82 000 spectateurs ont ri, pleuré, rêvé au cours des 24 spectacles offerts par le «in» et les 124 proposés par le «off» dans de nombreux espaces publics de Périgueux. Cette fréquentation est semblable à celle constatée l’an passé. Le succès de ce Festival ne se dément pas.Pourtant, le mime reste le petit poucet que les Hautes Instances de la Culture contemplent d’un œil indifférent du sommet de leurs majuscules. Elles n’accordent à cet art sublime qu’une aumône distraite. Il est vrai que le mime, par son authenticité et sa prise directe sur le public, paraît bien éloigné de la «sphère Bling-Bling» au sein de laquelle évoluent lesdites Instances. Ainsi, Mimos ­–plus grand festival du mime d’Europe ­– doit se débrouiller avec un modeste budget de 425 000 euros. Les collectivités locales sont de plus en plus pressurées par l’Etat central qui – gâteau sur la cerise – tarit leurs ressources fiscales ; elles éprouvent donc des difficultés croissantes à aider un festival qui, pourtant, fait connaître Périgueux et la France dans le monde entier.

Le mime doit d’autant plus être soutenu qu’il permet des échanges culturels intenses sans qu’ils soient arrêtés par la barrières des langues. C’est un art de toutes les époques, franchissant tous les espaces. C’est la voie des sans-voix.

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Photo Aurélia Tassafi

Mimos tombe sur un os. Et même plusieurs.

Dans ce troisième et dernier billet sur Mimos 2017 nous retiendrons deux prestations, celle du Néo-Zélandais de Finlande Thomas Monckton (Only Bones) et de la compagnie grenobloise Tout en vrac avec sa pétulante performeuse Noémie Ladouce (La Cuisinière)

Une scène d’un mètre carré, une lampe aux éclairages de couleurs. Et voilà l’univers de Thomas Monckton. On comprend rapidement le choix du titre – Only Bones – en voyant les doigts immenses du mime se mouvoir sous une lumière bleu-électrique comme s’il s’agissait de squelettes de poissons nageant dans des abysses impénétrables. Le corps n’est pas seulement un instrument, c’est un être en soi, qui n’est pas rattaché à Thomas Monckton mais qui vit sa propre existence, autonome. Il est tout ce que l’on veut animal, plante, jeu vidéo. Le son est aussi sollicité; la rencontre entre le bruit et le geste produit des effets hilarants. Le mime joue de façon fascinante sur la mobilité de ses traits et élève la grimace au rang des beaux-arts. On aimerait redevenir enfant pour grimacer avec lui. Mais voilà, il nous manque quelque chose pour remonter en enfance. Ce «quelque chose», Monkton le possède. C’est un artiste.

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Photo Jean-Noël Cuénod

Mimos : une Noémie pas si Ladouce que ça !

Elle en a de l’énergie, Noémie Ladouce ! Et pas si douce que ça… Elle est La Cuisinière de la compagnie Tout en Vrac qui possède une technique de plateau et des artificiers de première force.  La scène évoque la molle ambiance de la fin des années 1950, lorsque la société consommation commençait à répandre ses gadgets crétins mais sans pour autant libérer la femme, contrairement à la «réclame» de feu Moulinex. La meilleure partie de l’humanité s’en trouvait donc doublement aliénée.

La Cuisinière tente de réaliser la recette qu’un transistor éructe entre deux publicités. Elle n’est pas douée mais pleine de bonne volonté. Ce mélange entre l’incompétence et la volonté, – même bonne, surtout bonne ­– développe une mécanique de la catastrophe tout à fait réjouissante. Entre les jets d’eau, les flammes, les pétards, c’est toute la cuisine qui s’effondre dans un éclat de rire général. Mais la Femme reprend le dessus. Jetée, la robe sage. Dénouée, le chignon gnian-gnian. Voici la vamp qui, cigarette au bec, défie le monde du haut des ruines de sa cuisine. Ouf, le désordre est rétabli !

Jean-Noël Cuénod  

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