Mimos (2): Baccalà…et le verbe se fait chair 

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Il y a tout juste un an, disparaissait le clown suisse Dimitri dans son canton d’origine, le Tessin. Lui qui a donné à son art une dimension poétique jamais été atteinte auparavant aurait été heureux de voir deux de ses anciens élèves – sa compatriote Camilla Pessi et le Sicilien Simone Fassari – recevoir une telle ovation debout, vendredi soir, au Festival Mimos à Périgueux.Ce n’est certes pas la première fois que ces deux artistes de la compagnie suisse Baccalà reçoivent un tel accueil; ils «tournent» sur les cinq continents et douze prix ont couronné leur talent. Toutefois, l’ovation à l’Odyssée de Périgueux avait une saveur particulière puisqu’elle était déclenchée par les spectateurs qui suivent Mimos – dont la belle édition 2017 touche à sa fin – et, par conséquent, apprécient tout particulièrement le mime.

Le couple italo-suisse a fondé en 2004 la Compagnia Baccalà, en souvenir peut-être des origines de Simone, la «baccalà alla siciliana» étant le plat de morue iconique de son île. Depuis 2008, Camilla Pessi et Simone Fassari se sont adjoints les conseils du musicien-comédien Valerio Fassari, devenu leur régisseur. Pour le spectacle qu’ils ont présenté à Mimos cette année – Pss Pss – la mise en scène a été réglée par Louis Spagna.

Pss, pss, c’est l’onomatopée chuchotée pour attirer discrètement l’attention. C’est aussi l’invitation à participer au grand jeu de l’humanité, celui du couple: complicité, contradiction, bouderie, colère, bonheur, trahison, retrouvailles, pardons réciproques avec, parfois, la présence de tiers qui servent plus à souder le couple qu’à le détruire. Toute cette gamme sans fin, le duo la parcourt par bonds et gambades, sans parole mais avec des gestes tellement éloquents qu’ils en deviennent des mots bien plus originaux que ceux qui tapissent le bruit de fond quotidien. Avec Baccalà, le verbe se fait vraiment chair.

Rien n’est plus difficile que d’évoquer la tendresse, la pudeur, l’espièglerie, la douceur des sentiments tout en provoquant le rire. Pas le rire chichiteux qui n’agite que les culs de poule en forme de bouche. Non, le vrai rire désopilant. Le rire explosif de l’enfant.

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Dimitri (photo) savait, ô combien, réunir tous ces paramètres. Mieux : il a réussi à transmettre cette maîtrise. Camilla Pessi et Simone Fassari en apportent la démonstration. Le couple fait donc partie de ces nombreux artistes formés par la célèbre Scuola Teatro Dimitri que le grand clown a créée à Verscio en 1975 avec sa femme Gunda et qui a permis à la Suisse italophone de progresser en matière, non seulement de cirque, mais aussi de théâtre professionnel, tout en l’ouvrant sur le monde.

Réglée, la mise en scène, disions-nous. C’est l’épithète qui convient car les pas, les gestes, les mimiques, les hallucinantes acrobaties au trapèze s’enchaînent comme des rouages complexes dans le ventre d’une horloge. Pourtant, il n’y a rien de mécanique dans les échanges entre les deux mimes qui laissent toujours leur spectacle ouvert à la spontanéité. Une spectatrice rit-elle de façon inhabituelle? Un incident survient-il? Baccalà l’incorpore aussitôt dans le spectacle. Cette synegie entre improvisation et préparation méticuleuse donne à Pss, Pss une saveur incomparable.

Après de nombreux rappels et l’ovation debout, le public a lentement gagné la sortie, à regret, encore émerveillé. Dans les coulisses, on a cru entendre le rire de Dimitri.

Jean-Noël Cuénod

Pour vous donner une petite idée, cette vidéo du spectacle Pss Pss

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