Il fut un temps où le terme « aliénation » était utilisé à tout bout de champ. Au XIXe siècle, il devint le mot scientifique pour désigner la folie. Durant les années 1960-1970, l’aliénation était perçue comme la dépossession des humains de leur propre personnalité pour être conditionnés par la puissance capitaliste, à la fois comme producteurs et comme consommateurs.
Et puis, le mot s’est perdu avec le triomphe du capitalisme sur toutes les autres formes de production économique et la nouvelle jeunesse que les gadgets technologiques lui ont apportée.
Serait-ce le signe que l’aliénation a été tellement intériorisée par chaque individu qu’elle ne peut plus être objectivée ? Serait-ce sa ruse ultime, devenir une force que l’on ne peut pas nommer afin que l’on ne puisse plus la combattre ? Serait-elle devenue une partie de notre système parasympathique qui contrôle les activités involontaires des organes ?
Pas tout à fait, puisque nous la nommons encore, un peu, rarement, certes ; c’est mieux que rien. Toutefois, la tendance forte est là. Les mêmes outils qui nous libèrent des corvées en tant que producteurs, sont aussi ceux qui nous aliènent en tant que consommateurs.
Il faut donc continuer à nommer l’ennemi, « l’aliénation », cette dépossession de notre véritable personnalité au profit du…profit. Dans cette prise de liberté contre l’aliénation, l’utilisation du langage symbolique est essentielle. Un symbole ne signifie jamais une seule chose (s’il n’a qu’une seule signification, il s’agit d’un emblème) mais dispose, pour une seule représentation, d’une multitude de réseaux d’analogies. C’est un bon antidote contre l’aliénation. Pris dans ce mouvement symbolique, un produit aliénant peut se transformer en outil libérateur.
Ainsi, les religions, en tant qu’institutions humaines, servent à l’aliénation la plus accomplie ; les exemples abondent tant dans l’histoire que dans l’actualité. Toutefois, les messages qu’elles délivrent sont aussi une source de symboles et, une fois intégrés dans une vision libératrice, sont en capacité de devenir l’un des plus puissants moyens pour se libérer de l’aliénation.
Puisque nous sommes en période de Pâque juive (Pessa’h) et de Pâques chrétiennes, évoquons le message libératoire illustré par ces célébrations. Pessa’h rappelle le départ du peuple juif d’Egypte et la fin de son esclavage, de son aliénation à la puissance pharaonique.
Les Pâques chrétiennes, elles, ne commémorent pas tant la crucifixion du Christ au moment de la Pâque juive que sa résurrection.
Dans les deux cas, c’est la victoire de la vie sur la mort qui est célébrée. Une victoire remportée aussi sur l’aliénation, cette porteuse de mort puisqu’elle tue la personnalité véritable pour l’assujettir à une puissance mercantile et manipulatrice. Celui qui est aliéné est un cadavre qui marche.
Croyants de toutes confessions, athées, agnostiques, que les symboles véhiculés par Pessa’h-Pâques vivent en vous. Ne soyons plus des cadavres qui marchent.
Jean-Noël Cuénod
Voilà donc un bon article, bien passionnant. J’ai beaucoup aimé et n’hésiterai pas à le recommander, c’est pas mal du tout ! Elsa Mondriet / june.fr