Vers la fin de la presse romande?

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La politique managériale groupe de presse zurichois Tamedia menace l’existence des deux principaux quotidiens romands, la Tribune de Genève et 24 Heures (Lausanne).Propriétaire de ces deux journaux, le groupe Tamedia soumet, depuis des années, ses rédactions à de régulières coupes claires. Les journalistes se sont donc efforcés, au fil des ans, de « faire mieux avec moins », le slogan préféré des Grands Nyaquas des bords de la Limmat. Mais là, trop c’est trop.

Tamedia exige désormais que chaque titre de son groupe soit rentable. Seulement voilà, naguère les titres en question disposaient des importants revenus générés par les petites annonces. Or, aujourd’hui, ce secteur rentable, notamment sur internet, est devenu une entité autonome, privant ainsi les journaux d’une partie de leurs ressources. Et en plus, Tamedia taille sans cesse dans les budgets rédactionnels, alors que les journalistes fournissent les éditions « papier » et numériques.

En d’autres termes, Tamedia se trouve dans la posture du directeur sportif qui exige de son champion qu’il gagne le Tour de France en roulant avec un vélo sans dérailleur.

Selon le syndicat suisse de la communication Syndicom « le print (édition papier) reste très rentable pour le groupe, avec des marges de 14 à 19% » et « il a permis le décollage du digital (internet)». Mais tout à sa logique de goinfre financier, Tamedia veut encore plus de rentabilité. C’est la politique managériale du « marche ou crève » qui va se traduire, selon les Sociétés des rédacteurs concernées, par « une baisse des charges en 2017 qui pourrait atteindre deux millions de francs (1,8 million d’euros) pour chacun des titres. Même si l’ampleur exacte des coupes exigées ne sera révélée qu’à la fin du mois de septembre par Tamedia, l’ordre de grandeur de l’effort demandé fait craindre de nombreux licenciements. »

« Marche ou crève » ? Ce sera plutôt « crève », dans la mesure où en supprimant des postes dans des rédactions déjà exsangues, la Tribune de Genève et 24 Heures ne pourront plus assurer leurs tâches.

Dans notre pays, les « grands régionaux » tiennent une place particulière. Ils couvrent tant l’actualité du quartier que celle du monde, sans oublier le sport, la culture et les pages « opinions ». Ces journaux généralistes sont les fédérateurs de leur région. Ils en assurent la cohérence sociale, le débat citoyen et la mémoire collective. Leur porter atteinte, c’est vider la démocratie de sa substance.

Les sociétés de rédacteurs des deux quotidiens lémaniques font actuellement circuler une pétition qui sera envoyée au Groupe Tamedia. Pour sauver vos journaux et votre patrimoine, signez-la en cliquant ici ! Merci !

Mais il ne sert à rien de vitupérer les gnomes de Zurich. Cette triste situation des médias romands, nous le devons à nous-mêmes. Ce sont les décideurs Genevois et Vaudois qui ont laissé les deux « Julies » tomber dans les mains du groupe Tamedia. Les fonds ne sont pas une denrée rare dans l’Arc lémanique ; nous aurions pu trouver les finances nécessaires pour les maintenir dans leur bassin naturel. Mais il nous a manqué l’essentiel, à savoir de véritables patrons de presse.

Il faudra pourtant bien réagir et recréer un pôle d’information qui nous soit propre, si l’on veut éviter que le tissu social s’étiole dans nos régions. C’est le moment de se réveiller. Le dernier moment.

Jean-Noël Cuénod

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