Musk: bouffon utile ou autocrate des étoiles?

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© U.S. Air Force photo by Trevor cokley-via Wikipedia

Que cache l’actuelle polémique lancée par Elon Musk qui déclare avoir empêché l’armée ukrainienne de frapper une base de la flotte russe à Sébastopol? Fait-il mousser son ego stratosphérique ou serait-il devenu l’autocrate des étoiles du XXIe siècle.

La nouvelle intervient juste au moment où sort des presses la biographie d’Elon Musk rédigée par le journaliste étatsunien Walter Isaacson. Voilà une rampe de lancement idéale pour propulser un bouquin au sommet des ventes.

Pour comprendre de quoi il retourne, un petit rappel s’impose. Ceux qui connaissent tout du monde muskien peuvent sauter ce passage.

Le joyau des possessions muskiennes

Parmi les possessions du milliardaire, un joyau, SpaceX, qui a mis au point le projet Starlink. Il s’agit d’une constellation de 3.200 satellites qui permet une couverture quasi-complète de la planète. Ce système fournit des accès à internet par satellite à environ un million de clients dans une cinquantaine de pays. Les satellites de Starlink ont notamment servi à l’armée ukrainienne pour coordonner les frappes de drones contre l’agresseur russe. « Sans Starlink, nous aurions perdu la guerre », avait même déclaré un commandant ukrainien au Washington Post en juillet 2022.

Il aurait empêché une riposte nucléaire!

Voilà pour le Musk, défenseur de l’indépendance ukrainienne. Aurait-il retourné sa veste? Dans un message diffusé jeudi dernier par son réseau social X (ex-tweeter), Musk se fend de cette annonce:

 Nous avons reçu une demande d’urgence des autorités gouvernementales pour activer Starlink jusqu’à Sébastopol. L’intention évidente était de couler la majeure partie de la flotte russe au mouillage. Si j’avais accepté leur demande, alors SpaceX serait explicitement complice d’un acte de guerre majeur et d’une escalade du conflit.

Par la suite, il a même parlé d’un mini-Pearl Harbour pour la Russie qui aurait été de nature à susciter une attaque nucléaire de la part de Moscou. Elon Musk s’est même vanté d’en avoir discuté avec l’ambassadeur russe à Washington, Anatoli Antonov ainsi qu’avec le conseiller présidentiel Jake Sullivan et le général Mark A. Milley, président de l’état-major interarmées.

Plan de paix malvenu

Mais ce n’est pas tout. Super-Musk a lancé un projet de paix entre la Russie et l’Ukraine ( il propose aussi de régler le conflit entre Pékin et Taïwan, tant qu’à faire…) aux termes duquel, il préconise des votations pour départager les deux Etats dans les zones contestées mais aussi l’abandon de la Crimée par l’Ukraine qui devrait se contenter d’un statut de neutralité. Un plan qui penche très nettement vers Moscou.

 Voici donc l’image qui nous est distillée sur les réseaux sociaux et les médias. Par sa seule volonté, Elon Musk a empêché une riposte nucléaire tout en aidant les Ukrainiens à se défendre contre les Russes, juste ce qu’il faut. Puis à se tourner vers la Russie après le rejet très sec de son « plan » par Kiev.

Nous voyons Super-Musk parler d’égal à égal avec les grands dirigeants politiques de la planète.

Enfin d’égal à égal, c’est trop peu dire. Dans un proche avenir, ce sera de supérieur à subalternes que les échanges se développeront. On vous laisse deviner le supérieur.

Sans aucune légitimité, sans être délégué par aucun pouvoir Elon Musk apparaît comme le Maître des maîtres.

Le Deus ex machina n’existe pas

Si cette image correspondait à la réalité, alors nous basculerions vers un autre monde géopolitique où des autocrates hors-sol règneraient en solitaire sans autres attaches que leurs caprices.

C’est une image bien de notre époque faite d’égo boursouflé, de récits d’autopromotion, de gourous informatiques, de vedette du fric et de magnats allumés.

Mais elle risque fort d’être fausse. Pour sa part – il peut évidemment se tromper – Le Plouc n’a jamais cru au Deus ex machina, ni aux Grands Marionnettistes qui manipulent les destins. Le pouvoir, comme puissance qui régit les rapports humains, est un exercice beaucoup trop complexe pour être maîtrisé par un seul individu.

Tant que Musk reste dans le dispositif…

Elon Musk a dû recevoir l’aval du gouvernement étatsunien avant d’aider les Ukrainiens et c’est avec le patron des Etats-Majors étatsuniens qu’il a abordé la question des drones contre Sébastopol (on ignore le contenu des échanges avec le général Milley).

Que par son impressionnant projet Starlink, Elon Musk ait acquis une stature qu’aucun magnat avant lui n’avait pu revêtir, c’est un fait incontestable.

Mais un seul homme ne saurait disposer de la véritable puissance de feu militaire et économique qui est celle des Etats-Unis et, dans une mesure encore moindre, la Chine.

Tant qu’Elon Musk demeurera dans le dispositif de puissance des Etats-Unis, il restera ce magnat génial et bouffon à la fois dont le pouvoir caresse l’égo dans le sens du poil.

Mais s’il se prend vraiment pour le Super-Héros de son image en voulant exercer la réalité du pouvoir, alors il est à craindre qu’une nuée d’ennuis s’abatte sur l’Usurpateur.

Jean-Noël Cuénod

2 réflexions sur « Musk: bouffon utile ou autocrate des étoiles? »

  1. En 1911, Standard Oil, trop puissante, du se fragmenter en 43 compagnies (loi antitrust) Sage mesure peut-être ?
    On devrait trouver une équivalence dans le cas où un omnipotentat, non élu, s’empare d’un pouvoir normalement réservé aux autorités politiques

  2. Je te remercie pour tes clairs et vivants commentaires , j ‘aime beaucoup tes niouzes et autres écritures
    Je suis un poète francilen libertaire.
    peut – être me connais- tu un. peu déjà….
    quant au musc , j ‘ en ai un flacon de Taïf en Arabie .
    Je me permets de t ‘ envoyer moult embrassades amicales
    Marcello
    Saludos compañero de la luz !

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