Marine Le Pen veut traire et tuer la vache à lait européenne

Vache-Europe

Marine Le Pen a donc réussi à créer son groupe au Parlement européen. Après un an de laborieuses recherches, elle a trouvé les vingt-cinq eurodéputés provenant de sept pays différents, conditions indispensables pour réussir cette opération. Jusqu’à maintenant Geert Wilders, le chef du PVV, parti néerlandais de type national-libéral, ne voulait pas s’allier au KNP – la formation d’extrême-droite polonaise –, son président Janusz Korwin-Mikke étant un vieux facho négationniste tout à fait infréquentable. A titre d’exemple, il prône l’abolition du vote pour les femmes. Et même, en tant que monarchiste, la suppression du vote tout court. Vous voyez le genre. Mais le KNP s’en est débarrassé sous le prétexte que ce Korwin-Mickey avait des enfants nés hors mariage. Un prétexte très faux culs mais qui a l’avantage de remiser la relique au Musée des horreurs politiques. Le KNP est donc devenu halal pour l’islamophobe Wilders et été enfin admis au Club des nationalistes propres sur eux.

Et comme le Front National a lui aussi confiné le dinosaure paternel dans son Vichyssic Parc, la route vers le groupe parlementaire a été dégagée. D’autant plus, que Marine Le Pen a reçu un autre renfort, britannique celui-là, en la personne de l’eurodéputée Janice Atkinson qui a été exclue du parti europhobe UKIP, en raison des soupçons de notes de frais gonflées qui pèsent sur la tête de l’une de ses principales collaboratrices à Bruxelles. De quoi donner des leçons de morale à tout le monde.

Le nouveau groupe de l’Europarlement s’appelle «Europe des nations et des libertés» (toujours se méfier lorsqu’on met la liberté au pluriel); il sera coprésidé par Marine Le Pen et le Néerlandais Marcel de Graaf (PVV). Cette fine équipe comprendra le Front national – mais sans Don Le Pen et son Sancho Pansu Bruno Gollnish ­– le PVV, le KNP, la Ligue du Nord, le FPÖ autrichien, un eurodéputé flamand du Vlaams Belang et l’exclue du UKIP.

Faire partie d’un groupe procure de nombreux avantages: participation à l’élaboration de l’ordre du jour du Parlement européen, meilleure exposition médiatique. Mais surtout arrivée massive de gros sous. Selon le nombre d’eurodéputés – actuellement 36 – qu’elle engrengera, la fine équipe recevra de l’Union européenne un flot de subventions, entre 2,4 et 4,4 millions d’euros par an, soit près d’une vingtaine de millions sur l’ensemble du mandat, jusqu’en 2019.

Or, Marine Le Pen a déclaré sans ambage au Spiegel au début de ce mois : «Je veux détruire l’Union européenne!» Bonne princesse, elle ajoute: «mais pas l’Europe». Toutefois, c’est bien de cette Union européenne à pulvériser qu’elle va tirer profit.

Que penserions-nous d’un parti qui veut détruire, disons, la République française ou la Confédération suisse et qui, pour poursuivre son objectif destructeur, recevrait des millions d’euros ou de francs de cette même République, de cette même Confédération? Nous penserions qu’il y a des coups de pieds occultes qui se perdent.

Il faut dire que Marine Le Pen et son Front national éprouvent vis-à-vis des fonds européens un appétit vorace. Tellement vorace qu’il a attiré l’attention de la justice française. Le 24 mars dernier, le Parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire sur des soupçons de fraude, vingt assistants parlementaires des élus frontistes à Bruxelles étant accusés de travailler pour leur parti et non pour leurs eurodéputés. En d’autres termes, il est reproché au FN de faire payer vingt de ses permanents par l’Union européenne.

Marine Le Pen veut donc à la fois traire et tuer la vache à lait européenne. C’est l’illustration la plus achevée de l’incohérence morale et idéologique de l’extrême droite.

Jean-Noël Cuénod

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *