Macron, rockstar qui déchire sa race

Macron-Zénith-Lille

Macron a rempli le Zénith de Lill avec 5000 places.

Impressionnant, le métinge d’Emmanuel Macron, samedi à Lille ! Le Plouc s’est rendu dans la capitale des Hauts-de-France pour voir comment fonctionne cette rockstar qui déchire sa race, comme le disent les vieux quand ils veulent faire djeunes. Une Macromania qui déchire aussi la classe politique.Le Zénith lillois – qui a accueilli Macron et son mouvement En Marche, samedi en fin d’après-midi – contient 7000 places, ramenées à 5000. La vaste salle a été remplie rapidement. Une masse de partisans ou de curieux n’ont pas pu trouver place et sont restés dehors sous un crachin grésileux.

A chaque étape de sa campagne, « Gueule d’Ange » remplit les plus vastes salles. Qu’on le déteste, qu’on l’adore ou qu’on soit indifférent, force est de reconnaître l’existence d’un phénomène Macron. D’autant plus que les gradins du Zénith ont été pris d’assaut par un grand nombre de ces jeunes, d’ordinaire présentés comme étrangers à la politique. Parmi l’assistance, il se trouvait aussi pléthore d’enseignants qui ont ovationné l’orateur dès qu’il abordait des thèmes chers à leur cœur. Et lorsque l’Habile a promis que, lui élu, il allait revaloriser leur rémunération, ce ne fut pas seulement un triomphe, mais un délire macromaniaque, carrément ! Le corps enseignant, la grande clientèle électorale du PS, s’est-il trouvé un nouveau port d’attache après l’effondrement socialiste ? C’est probable. Voilà qui ne doit pas améliorer le moral des dirigeants de la rue de Solférino qui est aussi dévasté que ce champ de bataille, cher à Henry Dunant.

«Gueule d’Ange » sait tirer

Bulle de savon ? Feu d’artifice d’un soir ? Amorce d’un mouvement de fond ? L’actualité a déjoué tous les pronostics, donc point de prédiction. Lorsque Macron siégeait encore au gouvernement Valls, Le Plouc avait écrit que le jeune ministre devait quitter rapidement son ministère des Finances s’il voulait participer à la présidentielle mais qu’il ne disposait que d’un fusil à un coup pour atteindre son objectif. Jusqu’à maintenant « Gueule d’ange » a démontré qu’il savait tirer. Contrairement à Manuel Valls, il a sauté du pédalo Hollande suffisamment tôt pour ne pas rester englué et pour planifier sa campagne dans de bonnes conditions.

La tactique macronienne consiste à distiller son programme, petit à petit. Il fait l’inverse de Bruno Lemaire, qui, à la primaire de la droite, avait assommé ses électeurs avec un pavé de mille pages. Tellement assommés, les électeurs, qu’ils sont restés évanouis au moment de voter.

Macron, lui, sort un bouquin de 200 pages légères, intitulé « Révolution » – en France tout le monde est révolutionnaire, surtout les conservateurs – qui nous dit tout sur sa grand-maman et ses grandes idées. Non pas un catalogue de propositions mais une amorce de « storytelling » qui en français signifie « amuse-gogos » ou, en version plus salée, « flatte-couillons ». Ses propositions, il préfère les égrener au fil des villes-étapes de sa campagne (Pour le métinge lillois, vous avez le fil de ses interventions sur le compte Twitter @Cuenod).

Faire une campagne « jeune » ne signifie pas renoncer aux bonnes vieilles grosses ficelles. Comme Chirac – un expert jusqu’alors inégalé quoique souvent imité – Macron sert à son public ce que celui-ci souhaite avaler. Avec lui, pas d’hésitation, c’est fromage ET dessert, gauche ET droite. Il fait applaudir François Mitterrand, le général de Gaulle, né à Lille, Martine Aubry, maire de la ville et son prédécesseur Pierre Mauroy, mais aussi Xavier Bertrand, le président de droite des Hauts-de-France et Roger Salengro, ministre lillois du Front populaire qui s’était suicidé en novembre 1936 à cause d’une ignoble campagne de calomnies orchestrée par les journaux d’extrême-droite. Emmanuel Macron ne se contente pas de surplomber le clivage gauche-droite, il plante ses pieds dans les deux camps. Comme la chauve-souris de La Fontaine, Je suis oiseau, voyez mes ailes. Je suis souris, vivent les rats ! » « Bienveillant » tel est le mot d’ordre véhiculé par ses partisans.

L’alcoolisme au Nord, Macron est-il à l’Ouest ?

Et lorsqu’il évoque les ravages du tabagisme et de l’alcoolisme dans les régions du Nord de la France dévastée par la mondialisation, le public ne semble pas lui en tenir rigueur, même s’il se fait rouler dans l’opprobre par Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. D’ailleurs, cette attaque conjointe de l’extrême-gauche et de l’extrême-droite a plutôt pour effet de le placer en ennemi principal des extrêmes, ce qui est favorable à son positionnement politique. De plus, cette « sortie » d’apparence maladroite peut casser son image trop lisse et fait de lui un adepte, toujours en apparence, de ce « parler vrai » qui fait saliver les micros.

A Lille, cette métropole d’une région en souffrance économique, « Gueule d’ange » a déployé ses ailes pour porter secours aux chômeurs. Il y a détaillé ses propositions inspirées par cette « flexisécurité » qui a bien réussi dans les pays scandinaves. Là, nous sommes au cœur du social-libéralisme avec cette proposition nouvelle : remplacer les charges sociales par l’impôt, avec une couverture sociale égale pour les indépendants, les chômeurs et les travailleurs précaires. Ce ne sont plus les salariés et les employeurs qui casquent, mais le contribuable par le truchement d’un impôt, la CSG (Contribution sociale généralisée) que tout le monde paye. Le revenu net se rapproche donc du revenu brut. Le salarié a l’apparence d’une augmentation de salaire et l’employeur voit ses charges se dégonfler. Pour le social-libéralisme à la Macron, c’est une opération doublement gagnante. D’une part, les entrepreneurs pourront davantage investir. D’autre part, les salariés auront plus de pouvoir d’achat. Deux causes nécessaires pour faire repartir la machine à donner du travail. Les patrons sont contents, leurs salariés aussi et le chômage va baisser, que demande le peuple ?

On pourrait lui objecter qu’au lieu d’investir, les dirigeants d’entreprise seraient tentés de profiter de l’aubaine pour gâter leurs actionnaires. Quant au pouvoir d’achat des salariés, il ne tarderait guère à être rongé par la hausse des prix. Dans ces conditions, la machine à donner du travail risque fort d’être grippée, une fois de plus. Mais le Magicien a certainement une parade. C’est d’ailleurs ce qui fait sa force. Il a réponse à tout. Use du charme de son physique et de son verbe mais aussi de la force de sa culture, qui est réelle, contrairement aux bourrins qui braient dans la classe politique.

Toujours concernant le chômage, Emmanuel Macron propose de créer un service public de la formation continue qui aura pour but de donner une qualification, adaptée aux besoins de l’économie, à chaque chômeur. La proposition a fait un tabac fumant auprès des sympathisants lillois du Zénith.

L’Europe au coeur

L’un des points forts du discours macronien reste cette Europe dont ses partisans brandissent le drapeau à côté de celui de la France. La chose est plutôt rare dans un métinge en Hexagone. C’est peut-être indice montrant que nombre de ses partisans font partie de cette catégorie de Français qui profitent de la mondialisation, comme entrepreneurs ou comme salariés dans les secteurs de pointe. Allez déployer la bannière européenne dans un métinge du Front national et vous m’en direz des nouvelles ! A Lille, Macron a plaidé pour une Europe de la Défense et il commence à dévoiler son plan pour rebouter l’Union : engager une réflexion dans l’ensemble des pays membres, par consultations en ligne des citoyens européens. Le but : fixer les grandes orientations de l’UE pour cinq ou dix ans et les proposer en votation populaire afin de commencer le processus de relégitimation de l’Europe. Preuve que, lui aussi, Macron a de la Suisse dans les idées.

Sur la sécurité, « Gueule d’Ange » se démarque de Manuel Valls « Gueule d’Acier ». Il récuse le mot « guerre » pour qualifier la situation de la France face à l’islamoterrorisme. La guerre suppose l’affrontement avec un ennemi bien précis. Macron préfère parler de lutte contre un mal qui tire sa force de son caractère protéiforme. Une lutte à développer à plusieurs niveaux et dans de multiples domaines, à l’intérieur de la France comme ailleurs. Mais là, Emmanuel Macron ne fait que répéter ce que l’on a mille fois entendu. Il est nettement plus inventif en matière économique ou d’organisation européenne. Que voulez-vous, Macron sent plus la lotion après-rasage que la poudre.

Environnement ? C’est le néant

Economie, Europe, éducation, travail, chômage… Mais rien concernant l’environnement, ce qui est tout de même stupéfiant en pleine saison de pics de pollution. Sans doute, Emmanuel Macron a-t-il estimé que ce sujet n’était pas le plus porteur à Lille. Mais Le Plouc prend les paris que si le Caméléon aux yeux bleus se trouvait dans la Vallée de l’Arve, il débiterait son argumentaire antipollution avec solutions incorporées.

L’une des forces d’Emmanuel Macron est de savoir capter des fonds. Comme ancien jeune prodige de la Banque Rothschild & Cie, c’est la moindre des choses. Organisation de dîners à 7500 euros (le maximum autorisé en campagne électorale) pour riches partisans, mais aussi financement participatif pour récolter les petits ruisseaux qui font les grandes rivières. A une échelle française beaucoup plus modeste, Macron utilise la méthode Hillary Clinton (financement par les grands décideurs économiques) et celle de l’adversaire de cette dernière au sein du Parti démocrate, Bernie Senders (financement participatif). On retrouve là aussi, la stratégie gauche ET droite de Macron :  il tape les riches ET les pauvres.

S’y ajoute un prêt bancaire – il ne manque pas de relais dans la finance ­– pour parvenir au plafond de 16 851 000 euros, limite autorisée pour les participants au premier tour de la présidentielle.

Ramassera-t-il les socialistes ?

Pour l’instant, tout roule à la perfection pour « Gueule d’Ange ». Les médias sont à ses pieds et une grande partie du public est enthousiasmée par sa personnalité et son côté, « je prends les bonnes idées à droite et à gauche ». Les jeunes notamment sont indifférents aux querelles droite-gauche qui leur paraissent relever de la chikaya anecdotique plus que d’un vrai débat.

Mais ce qui fonde aujourd’hui sa force peut faire sa faiblesse. Lorsqu’il devra préciser vraiment son programme, Macron subira des attaques plus ciblées, donc plus efficaces qui chercheront à le pousser dans un camp ou un autre, à sortir ce loup flou, du bois de l’ambiguïté pour le flinguer à découvert. Et puis, l’engouement des médias est aussi passager qu’un rayon de soleil dans l’hiver parisien. Selon la jolie formule de Jean-François Kahn : on lèche, on lâche, on lynche. Pour l’instant, les médias lèchent beaucoup. Cela prédirait-il un lynchage de même intensité ? Macron s’y prépare sans doute.

Autre faiblesse, son mouvement En Marche compte près de 150 000 membres. Mais on y adhère en un seul clic sur le site EM. Cela signifie que l’on peut se désengager tout aussi facilement. Et l’on sait la fragilité des mouvements politiques qui ne repose que sur un seul homme. Toutefois, il n’est pas impossible que le Parti socialiste soit finalement obligé de le soutenir, soit parce que la primaire socialiste ne parvient pas à réunir un nombre suffisamment élevé de votants, ce qui affaiblirait considérablement le gagnant, soit en cas de victoire de l’un des représentants de l’aile gauche du PS, Montebourg ou Hamon, ce qui ferait fuir une grande partie des membres de l’appareil du Parti, alors tentés de voler vers la victoire de Macron. D’ailleurs, derrière le maire socialiste de Lyon Gérard Collomb – qui a un flair sans pareil pour sentir le vent ­– un nombre croissant d’élus PS se sont d’ores et déjà ralliés à la cause macronienne. Récemment Jean-Marc Ayrault a adoubé Emmanuel Macron «homme de gauche ». On prépare le terrain, dirait-on. Dès lors, le pari de « Gueule d’Ange » de figurer au second tour reste très aléatoire, mais il ne paraît pas impossible.

Jean-Noël Cuénod

Cette vidéo captée par Huffington Post diffuse un moment assez cocasse du métinge de Lille

3 réflexions sur « Macron, rockstar qui déchire sa race »

  1. Cher Jean-Noël, tu oublies dans ton analyse, que Macron propose une couverture sociale égale pour les chomeurs, les indépendants et les précaires. Une mesure de gauche alors que le PS ne s’intéresse qu’aux salariés…

    Olivier Bot

  2. Cher Jean-Noël, pour une fois je serais quelque peu plus nuancé que toi dans ton éloge assez univoque de l’animal Mélanchon. Intelligent, brillant même parfois, cultivé, sans doute assez sensible et sujet au trouble de la fragilité derrière ses airs de matamore, son histoire n’en fait cependant pas une figure admirable. Ancien trotskiste « entriste » au PS où il fait une belle carrière de sénateur pendant de longues années, admirateur de quelques figures de proue de l’anti-démocratie dans le monde, tellement gonflé de lui-même qu’il ne peut se retenir d’exploser régulièrement, ses dernières années de porte-parole du PEUPLE sans autre justification que la médiocrité politique de la sociale-démocratie, je n’ai aucune confiance dans cet homme. Même s’il décrit des choses avec une vive acuité souvent. N’étant ni PS ni même social démocrate, mais plutôt très écologiste extrême, je lui préfère à tout prendre un Benoit Hamon qui ne se prend pas pour Sardanapale. Bon, tout cela n’est pas très organisé, un peu spontané, mais je suis certain que tu comprends très bien ce que mon bafouillage signifie. Avec mon amitié. Marc

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