En décrétant l’ « état d’urgence économique et social », en prenant des mesures en faveur des travailleurs au salaire minimum (SMIC) et des retraités a-t-il convaincu une majorité de Français lors de son intervention télévisée de ce soir ? On peut en douter, tant la demande était forte. Mais c’est surtout en matière d’expression démocratique qu’il s’est montré le moins convaincant.
L’une des principales revendications qui est apparue récemment et qui monte en force est relative au droit de référendum et d’initiative. Les Gilets Jaunes que le Plouc interviewe embrayent d’emblée dès qu’ils ont connaissance de sa nationalité : « Ça fonctionne comment chez vous ? C’est ça qu’on veut en France ! » Et l’entrevue se termine souvent par un petit cours d’instruction civique à la mode suisse.
Sur ce plan, Emmanuel Macron s’est montré on ne peut plus flou. Voici les extraits de son allocution à ce propos :
Je veux que soient posées les questions qui touchent à la représentation ; la possibilité de voir les courants d’opinion mieux entendus dans leur diversité, une loi électorale plus juste, la prise en compte du vote blanc et même que soient admis à participer au débat des citoyens n’appartenant pas à des partis (…).
Ces changements de fond qui demandent une réflexion profonde et partagée, imposent un débat sans précédent. Il devra se dérouler au niveau national dans nos institutions, chacun y aura sa part : gouvernement, assemblées, partenaires sociaux et associatifs ; vous y aurez votre part. Je veux en assurer moi-même la coordination, en recevoir les avis, prendre ainsi le pouls vivant de notre pays.
Mais un tel débat n’est pas seulement affaire de représentants institutionnels ; il doit se dérouler aussi partout sur le terrain et il est des interlocuteurs naturels, des citoyens qui doivent en recevoir les demandes et s’en faire les relais : ce sont les maires ; ils portent la République sur le terrain. C’est pourquoi je rencontrerai moi-même les maires de France, région par région, pour bâtir le socle de notre nouveau contrat pour la Nation.
Nous ne reprendrons pas le cours normal de nos vies, comme trop souvent par le passé dans des crises semblables, sans que rien n’ait été vraiment compris et sans que rien n’ait changé. (…)
Ce « débat sans précédent » est tellement protéiforme que l’on n’en distingue pas les contours. Une seule mesure concrète : la prise en compte du vote blanc. Autrement, tout reste vague : à quoi ça ressemble « une loi électorale plus juste » ? Instauration de la proportionnelle, plus ou moins dosée ? Election des sénateurs au suffrage universel direct ? Et comment procède-t-on pour « faire participer au débat des citoyens n’appartenant pas à des partis » ? Aucune piste n’est dessinée.
Quant à faire vivre ce « débat sans précédent » grâce aux maires. Cela tient de la mauvaise blague. Le président français a-t-il mesuré son impopularité abyssale auprès des élus locaux qu’il n’a cessé de mépriser ?
Ces maires sont en première ligne pour subir le désastre social né de la désindustrialisation et de la disparition des services publics exigé par le Centre parisien pour complaire aux marchés financiers. Macron croit-il que ces élus – qui sont sollicités en permanence pour jouer les pompiers sociaux – ont le temps d’organiser des débats citoyens pour le compte d’un président qui, tout d’un coup, prend conscience de leur importance ?
Si Emmanuel Macron n’a pas dit un mot sur ce que les Français nomment « le référendum d’initiative populaire », c’est sans doute qu’il n’en veut pas. Ses annonces en matière de réformes institutionnels relèvent plus de l’enfumage que de la sortie de crise.
Jupiter a transformé sa foudre en lampe de tempête au verre enfumé. Nous n’en sommes pas plus éclairés pour autant.
Jean-Noël Cuénod