Les régionales françaises : tous gagnants, tous perdants

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Etranges élections régionales en France où tous les protagonistes ont de quoi sourire et pleurer. Le Front national était au porte du pouvoir régional avant le second tour de dimanche. Une à trois régions lui semblaient prenables. En fin de course, il n’en aura aucune. Les frontistes perdent l’occasion de régner sur des grandes régions de 4 ou 5 millions d’habitants. Cela aurait constitué pour eux – et surtout pour leur patronne Marine Le Pen (photo) – un tremplin de choix pour l’élection présidentielle de 2017.Caramba, encore raté ! La malédiction du second tour continue à éteindre la flamme FN. Comme en mars dernier, lors des élections départementales, les candidats de l’extrême-droite font un malheur au premier tour ; un malheur tel, que les abstentionnistes de la droite LR et de la gauche se réveillent en sursaut (républicain) au second tour.

Ce second tour a réservé une belle claque au clan Le Pen. Tante Marine caracolait en tête avec quinze points d’avance sur Xavier Bertrand (LR) au premier tour. Une semaine après, c’est elle qui est devancée par le même candidat de la droite républicaine de… quinze points, Bertrand ayant bénéficié d’un report de voix massif de toute la gauche, des communistes aux socialistes en passant par les Verts. Même scénario en Provence-Alpes-Côte d’Azur où la nièce Marion Maréchal-Le Pen a été largement battue par le LR Christian Estrosi qui a, lui aussi, bénéficié de l’appui décisif de la gauche. Or, la candidate frontiste était largement sortie en tête au premier tour.

Plus de six millons et demi de voix pour le FN

Toutefois, le Front national a également de quoi sourire. Dimanche, il a battu de 200 000 voix supplémentaires (6.600.253 suffrages sur l’ensemble du territoire) son record historique obtenu par Marine Le Pen à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle. Il a surtout démontré qu’il était partout implanté et que sa dynamique n’était pas seulement mue par la famille Le Pen.

Enfin, le Front national a changé le paysage politique de la France, désormais divisée en trois forces plus ou moins égales.

Pour le parti LR les raisons de maugréer ne manquent pas. Après son succès aux élections départementales et l’impopularité spectaculaire du gouvernement socialiste, il était parti pour rafler la quasi-totalité des douze régions de l’Hexagone (sans la Corse, ni l’Outre-mer). Or, il en a finalement décroché sept et a dû en céder cinq au Parti socialiste, laissé pour moribond dans les ornières médiatiques. Maigre butin, d’autant plus que trois régions – Nord-Picardie, Alsace-Champagne-Ardennes, Provence-Alpes-Côte d’Azur – n’ont été obtenues par les candidats LR que grâce à l’apport des électeurs de gauche. Nicolas Sarkozy qui s’était battu contre le « Front républicain » avec les socialistes et la gauche a donc été sauvé de la déroute par ce même « Front républicain ».

Sarkozy doit rendre des comptes

Nul doute que ses nombreux rivaux vont lui réclamer des comptes et l’attaquer sur ses dérives extrème-droitières. Alain Juppé, François Fillon, Bruno Le Maire se montreront intraitables à son égard, dans l’optique de la primaire qui désignera l’an prochain le candidat de la droite à la présidentielle de 2017. Un autre rival interne de Sarkozy a pris du galon, Xavier Bertrand qui a terrassé la présidente du FN Marine Le Pen grâce aux voix de gauche. Or, le patron du parti LR ne lui a pas facilité la tâche, c’est le moins que l’on puisse dire, en vilipendant la gauche durant l’entre-deux-tours. Les deux hommes, on le sait, se détestent, Sarkozy ayant traité Bertrand, devant des journalistes, de « petit assureur médiocre et bon à rien ». Après avoir réussi à faire bloc autour de lui, à droite et à gauche, en région Nord-Picardie, le « petit assureur » a pris de l’assurance. Un souci de plus pour l’ex-président de la République qui voit ses rêves de reconquête de l’Elysée bien compromis.

Mais le parti LR peut aussi se targuer d’avoir pris tout de même sept régions, alors qu’il n’en détenait qu’une seule (l’Alsace) jusqu’à maintenant. La plus grande victoire LR a été obtenue en Ile-de-France où Valérie Pécresse a battu le président socialiste de l’Assemblée nationale Claude Bartolone, ce qui n’est pas un mince exploit après 17 ans de pouvoir à gauche. Mais c’est surtout François Fillon, adversaire interne de Sarkozy, qui peut en tirer avantage, Valérie Pécresse étant son alliée.

Quant aux socialistes, ils subissent une défaite de plus. Ils détenaient 21 régions sur 22 selon l’ancien découpage. Désormais, ils n’en comptent plus que cinq sur douze (hors Corse et Outre-Mer) avec les nouvelles grandes régions. Mais voilà, ces cinq régions sauvées sont perçues comme de véritables victoires dans la mesure où personne n’aurait misé sur un tel score, il y a seulement quelques semaines. L’impopularité du gouvernement socialiste semblait un éceuil insurmontable. Et si les enquêtes d’opinion gratifiaient le président François Hollande d’un regain de satisfaction après les attentats du 13 novembre, cette situation ne semblait pas devoir se traduire dans les urnes.

Très fragile bonne séquence pour le PS

Le Parti socialiste a donc sauvé les meubles, sans gloire certes, mais c’est mieux que rien. La tactique de Valls et Hollande visant faire le forcing auprès des électeurs de gauche pour qu’ils votent en faveur des candidats LR contre les frontistes a atteint son but à court terme – le Front national n’a pas de région – et peut-être à long terme, en faisant apparaître François Hollande comme le rempart le plus efficace contre le Front national lors la présidentielle de 2017.

Après les succès de la diplomatie française à COP21, le regain de popularité qui succédé aux attentats et ces élections qui n’ont pas tourné à la catastrophe, la séquence actuelle n’est pas si mauvaise que cela pour le gouvernement socialiste. Il reste à savoir si la courbe du chômage ne va pas réduire en miettes cette timide espérance.

Jean-Noël Cuénod

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