Aucun vaccin, hélas, ne l’éradiquera. Semble-t-il endormi ? Le moindre souffle d’actualité le ranime. Il rôde partout et attaque les organismes les plus sensibles à ses charmes. Ainsi, le Coronavirus Autoritaire a-t-il trouvé dans la présidence Macron la porte d’entrée idéale pour se propager dans le corps français.
Le gouvernement de l’Hexagone a réuni le terrorisme et la pandémie pour leur opposer une seule stratégie : engraisser encore plus le corpus législatif d’articles répressifs. Plutôt que de fournir les moyens nécessaires pour appliquer les lois existantes, la présidence Macron préfère accumuler les mesures liberticides tant en matière de terrorisme que de lutte contre le Covid-19[1]. C’est moins coûteux et médiatiquement plus payant. Cela dit, cette stratégie des moulinets matraqueurs rend l’actuel gouvernement aussi bordélique et cafouilleux qu’inefficace.
Trente ans de lois antiterroristes
En trente ans, la France n’a pas cessé d’entamer les libertés publiques[2] (lire à ce propos l’analyse de Vie-Publique) pour tenter d’enrayer le terrorisme. Qui, aujourd’hui, garde, voire augmente, sa virulence.
De même, la France est l’un des pays d’Europe qui a pris les mesures sanitaires les plus attentatoires aux libertés. Elle ne s’en sort pas mieux, loin de là, que ses voisins qui se sont montrés moins répressifs. Dans une récente tribune parue dans Le Figaro, le professeur Olivier Babeau[3] rappelle fort à propos, la sentence de Montesquieu : « les règles inutiles affaiblissent celles qui sont nécessaires ». Elles transforment les codes en maquis inextricable et nous voilà face à l’autre partie de la sentence de Montesquieu : « Les règles qu’on peut éluder affaiblissent la législation ».
La matraque n’est pas une baguette magique
Ni la pandémie ni le terrorisme ne peuvent être surmontés par la seule matraque ; celle-ci ne saurait faire office de baguette magique. Peu efficaces pour lutter contre les cibles qu’elles prétendent atteindre, les mesures liberticides se tournent ipso facto contre les citoyens. Sans pour autant empêcher les terroristes de nuire, ni le Covid-19 de circuler.
Comme l’autre, le Coronavirus Autoritaire peut s’infiltrer partout en utilisant les faiblesses du terrain. En France, l’autoritarisme a trouvé une opportune conjonction entre le centralisme de l’Etat, les structures autocrates de la Ve République et le caractère particulier du président Macron.
Le centralisme transforme les réalités vécues par les différentes parties de pays en une fiction globalisante qui gomme toutes ces particularités qui font que, justement, le réel est…réel. Pour affronter des phénomènes aussi mouvants que le terrorisme et la pandémie au Covid-19, une fiction, même globalisante, n’est peut-être pas la meilleure arme !
L’autocratie de la Ve République place l’essentiel du pouvoir dans les mains d’un seul homme, qui, devenant comptable de tout, se voit condamné à l’impopularité. Il s’ensuit cette perverse alternative, soit le président se mure dans l’impotence, soit il réagit par une sorte de frénésie d’effets d’annonce qui, par leur caractère sécuritaire, cherchent à rassurer. Et généralement font l’effet inverse.
A ces deux éléments de base, s’ajoute une troisième composante : le caractère particulier d’Emmanuel Macron, du moins tel qu’il apparaît publiquement.
Il fait montre d’une foi vibrante en sa puissance intellectuelle. Cette disposition mentale – qui permet d’abattre toutes les barrières qu’un individu peut se mettre à lui-même pour s’empêcher de gagner – est l’un de ses principaux atouts. Cette certitude chevillée au corps lui a sans doute permis de remporter l’élection présidentielle à moins de 40 ans alors qu’il était encore inconnu trois ans auparavant. De quoi faite péter les plombs au plus zen des moines bouddhistes !
La gabegie autoritaire
Habitué à se sentir meilleur que les autres, Jupimacron est persuadé que lui seul peut avoir raison. Les évènements lui donnent-ils tort ? Ce sont les évènements qui se trompent. Et ceux qui n’acceptent pas sa politique doivent s’y plier puisque, les pauvres, ils n’ont pas le potentiel pour la comprendre dans toutes ses dimensions.
Mais comme la France reste une démocratie et un Etat de droit, Jupimacron se voit souvent renvoyer ses foudres par la rue ou par le Conseil constitutionnel. D’où l’impression de gabegie autoritaire de son quinquennat.
Les filtres en question – la rue, le Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat – ont démontré qu’ils fonctionnent plutôt bien en sauvant certains meubles. Toutefois, au fil du temps, même ces filtres se sont habitués à avaliser les dispositions liberticides les plus sournoises. Il en résulte un impressionnant arsenal attentatoire aux libertés publiques qui, placé en mains lepénistes risque de se révéler catastrophique.
Le pire n’est jamais sûr. Mais il reste possible.
Jean-Noël Cuénod
[1] A lire la tribune du professeur Yves Jeanclos, docteur en droit, parue dans le monde : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/11/26/loi-securite-globale-la-france-devient-le-premier-pays-securitaire-de-l-union-europeenne_6061155_3232.html
[2] Voir l’analyse de Vie-Publique.fr : https://www.vie-publique.fr/eclairage/18530-trente-ans-de-legislation-antiterroriste
[3] On peut lire sa tribune ici https://www.lefigaro.fr/vox/politique/interdiction-de-skier-en-suisse-ce-n-est-plus-une-guerre-contre-le-virus-mais-contre-la-liberte-20201202