La faiblesse de Macron révélée par sa police

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©Ludovic Marin/AFP

« France, terre de contrastes ». Sur le plan économique, elle se porte mieux: croissance en hausse (0,5%) tirée, c’est rare, par les exportations. Mais sur le plan politique, c’est la cata! Face à la fronde des policiers, soutenus par leurs plus hauts gradés, la pusillanimité de Macron montre qu’il perd la main la main sur l’instrument essentiel à tout Etat, sa police. Et voilà Jupiter à terre.

Quatre policiers de la Brigade anticriminalité de Marseille sont mis en examen par un juge d’instruction jeudi 20 juillet pour « violences volontaires ayant entraîné une incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours », violences « commises en réunion avec usage ou menace d’une arme par personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions ». Trois des policiers incriminés sont mis en liberté sous contrôle judiciaire avec interdiction d’exercer. Le quatrième agent est placé en détention provisoire.

Victime dans le coma

Ces faits se sont déroulés lors des émeutes à Marseille les 1er et 2 juillet. Hedi (21 ans), la victime, affirme qu’il ne manifestait pas, a été éborgné par un tir de LBD (lanceur de balle de défense), puis roué de coups par les quatre policiers. Plongé pendant plusieurs heures dans le coma, Hedi se relève d’un traumatisme crânien.

Les quatre policiers ont-ils réellement commis cette agression? Hedi, qui n’a pas de casier judiciaire, manifestait-il ou était-il simplement attablé à une terrasse pour fêter son anniversaire? Toutes ces questions, c’est à la justice – et à elle uniquement – d’y répondre.

Selon 20 Minutes (France) le Parquet avait requis l’incarcération provisoire des quatre policiers. En France, c’est un magistrat spécifique qui statue sur ce genre de requête, à savoir le juge des libertés et de la détention. Celui-ci n’a ordonné la détention provisoire que d’un seul policier, plaçant les trois autres en liberté provisoire, contrairement aux réquisitions du Parquet. Cela indique que le juge n’a pas pris sa décision à la légère en estimant que le dossier réclamait l’incarcération provisoire de cet agent.

Colère des policiers

La décision a soulevé l’ire des policiers portée par la voix, très puissante, de leurs syndicats, notamment Alliance qui s’était distingué il y a peu en traitant les manifestants de « nuisibles ». Un nombre indéterminé mais vraisemblablement important de policiers se sont faits porter pâles en guise de protestation.

Que la base policière fasse corps avec ses collègues, il n’y a là rien d’étonnant, d’autant plus que les conditions de travail actuelles des forces de l’ordre relèvent du cauchemar avec les successions de manifs violentes et d’émeutes qui balaient la France depuis plusieurs années.

Nombreux suicides au sein de la police

D’où les nombreux suicides au sein des policiers – entre 30 et 60 par an (première cause de mortalité) selon le site Blast-Info du journaliste Denis Robert – et l’infiltration des idées d’extrême-droite.

Une enquête du Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po) indiquait que 60% des policiers étaient prêts à voter Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2022 (ils étaient déjà 57% à faire le même choix en 2017).

Attitude irresponsable de hauts gradés

La colère des agents de base est donc compréhensible. En revanche, l’attitude de leurs plus hauts gradés relèvent d’une inacceptable et inquiétante méconnaissance du rôle que doit avoir un haut-fonctionnaire de la police.

Ainsi, le directeur général de la Police nationale, Frédéric Veaux, a-t-il attaqué la décision des juges dans une interview parue dimanche dernier dans Le Parisien: « Un agent dans lexercice de sa mission ne devrait pas être soumis au régime de la détention provisoire ».

Pour Frédéric Veaux, ses agents seraient ainsi des citoyens à part qui, lorsqu’ils sont en fonction, ne devraient pas être soumis au droit qu’ils ont pour mission d’appliquer! Même si plusieurs magistrats ont estimé que les conditions d’une détention étaient réunies.

Gare au bras qui se prend pour la tête!

De la part du patron de la police, un tel propos illustre son mépris de l’Etat de droit qui exige la primauté de la justice sur la police qui n’est que son bras armé.

Si le bras se met à la place de la tête, les citoyens risquent fort d’en prendre plein la figure!

Le pire est que le directeur Veaux a reçu le soutien d’un autre très haut gradé, en l’occurrence, Laurent Nuñez, préfet de police de Paris.

Normalement, ces deux serviteurs de l’Etat auraient dû, sinon être révoqués, au minimum subir une remontée de bretelles publique de la part de leur autorité supérieure, à savoir le ministre de l’Intérieur et, surtout, le président de la République, garant des institutions de l’Etat. Or, rien de tel. Et même pis, il est difficile de croire que Frédéric Veaux a pu se lancer dans son explosive déclaration sans avoir reçu l’aval du ministre Darmanin, son supérieur direct.

Celui-ci d’ailleurs confirme cette impression par sa discrétion en matière de déclaration – lui qui intervient à propos de tout et surtout de rien. Son entrevue de jeudi avec les syndicats de policiers a confirmé cette attitude très compréhensive.

Jupiter en Icare précipité dans le marasme

Même ton lénifiant adopté par le président de la République se contentant de dire quil comprenait « l’émotion des policiers » en ajoutant mollement que « nul en République nest au-dessus des lois », avant de botter en touche en refusant de commenter la « sortie » de Frédéric Veaux.

Cet épisode démontre que le président et son gouvernement sont paralysés par leur police et qu’ils ont perdu la main sur l’une des institutions de base de tout Etat.

Macron se voulait Jupiter, il n’est plus qu’Icare précipité dans le marasme.

Cette faiblesse insigne de la présidence se situe à l’opposé de l’esprit de la Ve République qui postule un exécutif fort. Sans majorité au parlement, défié par sa police, la parole du président n’imprime plus et n’intéresse même plus, tant elle est dépourvue de substance.

Mauvaise nouvelle pour l’Europe

La faiblesse de l’Elysée est également une mauvaise nouvelle pour l’Europe. La parole présidentielle ne vaut désormais plus grand-chose à l’étranger et c’est bien dommage. Macron défendait à Bruxelles une position lucide: l’Union doit assumer sa défense et sa sécurité afin de ne plus être dépendante des Etats-Unis dont on sait, depuis la présidence de Trump, qu’ils sont capables du pire.

La France a encore quatre ans « à tirer » dans cette situation, jusquaux élections présidentielles de 2027. A quand la prochaine émeute? Il ne reste plus qu’à espérer quelle n’éclatera pas lors des Jeux Olympiques à Paris lan prochain!

Marine Le Pen à Matignon maintenant plutôt qu’à l’Elysée en 2027?

Pour sortir son pays de ce bourbier, Emmanuel Macron devrait recourir au peuple comme Jean-Louis Debré, l’ancien président du Conseil constitutionnel, l’y a récemment invité dans une interview au Parisien. A savoir, dissoudre l’Assemblée nationale et organiser une nouvelle élection législative.

Cela dit, elle pourrait ne pas donner une majorité claire, à l’instar de la précédente. C’est tout de même un risque à courir. Au moins un large débat serait ainsi déployé.

Autre danger: la victoire de Marine Le Pen et de son Rassemblement National. Elle est possible. Mais ne vaut-il pas mieux avoir Marine Le Pen à Matignon maintenant plutôt qu’à l’Elysée en 2027? Un passé récent a démontré les périls qu’endure un premier ministre face à un président qui lui est opposé.

Aucune solution n’est satisfaisante mais en démocratie seul le corps électoral a le pouvoir de sortir de l’inextricable.

Ne pas oublier que la IVe République n’a sombré que pour des raisons politique. L’économie, elle, était alors au beau fixe.

Jean-Noël Cuénod

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