La kippa décoiffe donc les médias français. Après l’agression d’un enseignant juif à Marseille, le président du Consistoire israélite de cette ville, Zvi Ammar a conseillé à ses ouailles de ne pas porter la kippa dans la rue, afin de ne pas servir de cibles aux islamistes intégristes et autres antisémites.
Le Grand Rabbin de France Haïm Korsia a critiqué cette décision tout en y décelant un appel au secours. Les agressions antisémites progressent en France. Nombre de Français de religion juive se sentent en insécurité dans leur pays et s’installent en Israël.
Certaines réactions d’auditeurs radiophoniques ont critiqué le port de la kippa, signe confessionnel qui n’aurait pas sa place sur la voie publique. A l’instar du voile ou de la croix, elle serait considérée comme un emblème à n’utiliser qu’entre les murs de sa maison ou de la synagogue. «Cachez cette kippa que la laïcité ne saurait voir!»
Cette réaction trahit les idées fausses qui circulent à propos d’une laïcité mise à toutes les sauces, même les plus indigestes.
La laïcité a pour objet principal de séparer le pouvoir politique des institutions religieuses et d’assurer la neutralité confessionnelle de l’Etat. Mais les religions ont parfaitement le droit de s’exprimer publiquement, à l’instar de tout groupe humain, tels les partis, les syndicats, les associations, comme le garantit l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme (lire ci-dessous). Pourquoi interdirait-on à une communauté religieuse, ce qu’on autorise à un mouvement politique ? La seule réserve étant de respecter les lois et l’ordre public. Ce qui valable pour tous, politiques ou pas, religieux ou pas. Un juif a le droit de se promener avec sa kippa, comme la musulmane avec le foulard islamique ou le chrétien avec son collier porteur d’une croix, le nostalgique du castrisme avec son T-shirt à l’effigie du Che.
La kippa n’est pas un signe d’appartenance, c’est un signe d’humilité qui rappelle qu’il y a au-dessus de soi une puissance supérieure, comme l’a expliqué le Grand Rabbin de France. La porter relève surtout de la coutume. Un juif peut ou non s’en coiffer dans la rue. Lors des offices à la synagogue, il est prescrit, aux hommes et aux femmes, de se couvrir la tête mais pas forcément avec une kippa.
Alors, puisque ce n’est pas une obligation, ne tentons pas le diable antisémite, et que les juifs laissent leur kippa à la maison, semblent dire certains intervenants qui vibrionnent sur les réseaux sociaux. Insupportable recul devant l’intolérance ! On cède sur la kippa et demain sur quoi d’autres ?
Et pourquoi interdire la burka et pas la kippa ? Tout simplement parce que l’un et l’autre n’ont aucun point commun. Le voile intégral, imposé par les versions les plus intégristes de l’islam, cache la totalité d’un humain appartenant à un seul genre : féminin. Ce visage rendu invisible porte atteinte aux liens sociaux les plus fondamentaux. Il interdit tout échange entre les êtres. Cette pratique conduit donc à une négation de l’humanité, ni plus ni moins. Rien à voir avec un modeste et discret bout de tissu rond posé au sommet du crâne.
Porter une kippa, ce n’est pas refuser l’autre, c’est assumer publiquement sa foi en une transcendance. De même, celui qui épingle un insigne de parti, expose ses opinions politiques sans pour autant rejeter ses interlocuteurs. Ceux qui se sentent rejetés ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes et à leur manque de tolérance.
Et si cet insigne arboré est une croix gammée? Celui qui le porte n’affirme pas une opinion mais signifie son appartenance à la plus puissante organisation criminelle de l’Histoire. En ce cas, on peut vraiment parler d’un acte de rejet de sa part. Mais il s’agit, comme avec la burka, d’une situation extrême. Des exceptions qui ne confirment aucune règle.
Jean-Noël Cuénod
Article 9. Convention européenne des droits de l’homme
Alinéa 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
Alinéa 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
LE PLOUC CAUSE DANS LE POSTE
La Kippa, la porter ou pas? Cette question sera abordée sur Europe1 par l’émission « Club de la presse étrangère » que Sophie Larmoyer anime entre 11h. 45 et 12h. 20, ce dimanche 17 janvier. Avec la correspondante à Paris de Visao, Ana Navarro Pedro, et ma pomme, représentant le mensuel La Cité
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