Après avoir survolé les méandres de l’islamo-gauchisme (lire le précédent blogue), d’un coup d’aile cap sur l’autre notion qui fait débat : l’islamophobie. Toutes deux sont un peu les Laurel et Hardy de la polémique actuelle et sombrent dans une opprobre réciproque. Les uns traitant leurs adversaires d’islamophobes, les autres accusant les leurs d’islamo-gauchisme.
A l’origine l’islamophobie visait deux situations voisines mais fondamentalement différentes : d’une part, le rejet des préceptes théologiques de l’islam ; de l’autre celui des pratiquants de cette religion. Avec, en ce dernier cas, un racisme anti-arabe plus ou moins dissimulé.
Or, dans la tête de moult Européens, les deux notions se confondent aujourd’hui. Ils sont à la fois contre les préceptes de l’islam et contre les musulmans, voire les Arabes pour les plus racistes.
Placer le curseur au bon endroit
Il en va de même de l’islamophobie comme de l’islamo-gauchisme, certains polémistes lui dénient toute existence en soutenant qu’elle n’est qu’un fantasme créé par les islamistes radicaux pour déconsidérer leurs adversaires. Sur l’autre bord, l’influence de l’islamophobie est artificiellement gonflée et sert à éluder tout débat sur l’islam.
Comme d’habitude, il faut placer le curseur au milieu. Et comme d’habitude, celui qui procède ainsi sera accusé de tiédeur, de conciliateur de chèvre et de choux. La nuance n’est point de cette époque, c’est ainsi.
Les zemmouriades
Fantasmatique, l’islamophobie ? On devient persuadé de son existence si l’on prête l’oreille aux zemmouriades dont la véhémence raciste contre les Noirs et les Arabes rappelle les éructations antisémites à la Drumont (pour en savoir plus sur ce dernier, cliquez ici).
Toutefois, est-ce à l’islam que Zemmour et les siens en veulent ou aux Arabes et aux Africains en tant que tels ? Aux deux, de toute évidence. Il se confirme ainsi que ce terme embrasse à la fois le rejet des préceptes théologiques de l’islam et le racisme anti-arabe ou anti-noir.
« Reductio ad phobiam »
Profitant de cette ambiguïté, les porte-parole du salafisme et de l’islam politique accusent systématiquement d’ « islamophobie » toutes celles et tous ceux qui critiquent l’islam en tant que religion, prescripteur de mœurs et vecteur de convivialité sociale.
Soulignez-vous la difficulté voire l’impossibilité pour un musulman de quitter sa religion ? Islamophobe ! Critiquez-vous la place laissée à la femme dans le Coran ? Islamophobe ! Dénoncez-vous le caractère guerrier et violent d’une partie de ce Livre saint ? Islamophobe ! Doutez-vous de sa transmission directe de Dieu à Mohammed ? Islamophobe ! Vous opposez-vous au communautarisme des salafistes ? Islamophobe, vous dis-je !
Ainsi, tout débat entre ces porte-paroles de l’islam énervé et le reste de la population devient-il impossible. C’est une forme nouvelle de la « reductio ad Hitlerum », cet artifice rhétorique qui coupe court à l’échange en accusant à tort un adversaire de complaisance envers le nazisme.
Un mot pourri
« Islamophobie » est donc un mot pourri par la confusion qu’il génère entre les préceptes d’une religion et les peuples qui y adhèrent. De plus, le suffixe « phobie » renvoie aussitôt au contexte médical. Selon le site Santé sur le Net, « les phobies apparentées aux troubles anxieux désignent un ensemble de troubles psychiques au sein desquels l’angoisse se focalise sur un objet, une situation ou une activité particulière ».
Celui qui en affecté, – ou plutôt celui dont on dit qu’il en est affecté – est ainsi stigmatisé en tant que malade mental. Dialogue-t-on avec les fous ?
Critiquer l’islam fait partie des droits les plus élémentaires dans nos démocraties ; il en va de même pour toutes les autres religions, pour l’athéisme, pour l’agnosticisme et toute les autres formes de théologie et de philosophie. Droits élémentaires, disions-nous, et même pratique salutaire. C’est en débattant sur les fins dernières, sur l’origine de la vie, sur les liens à tisser avec elle que les humains avancent. Dès lors, court-circuiter ce débat par des accusations de phobie est insupportable.
Que ceux qui répandent la haine contre des groupes humains soient condamnés, c’est une nécessité sociale de première importance en ces temps violents. Mais de grâce ne jetons pas la liberté de critiquer les religions, comme les philosophies antireligieuses, avec l’eau sale du racisme.
Jean-Noël Cuénod