Avec la nouvelle année, s’ouvre la triste série commémorative des attentats islamoterroristes à Paris. 7 janvier 2015: assassinats à la rédaction de Charlie-Hebdo ainsi qu’à l’Hyper Casher de la Porte de Vincennes. 13 novembre 2015: les massacres au Bataclan. Depuis, bien d’autres attentats, d’autres massacres, d’autres guerres ont semé la mort nous laissant impuissants sur le bord de la vie.
Pendant un bref moment, nous avions cru ressentir dans notre cœur collectif l’amorce d’un sursaut. Vous ne l’avez certainement pas oublié, c’était le 11 janvier 2015, quatre jours après les tueries à Charlie-Hebdo et à l’Hyper-Casher (le récit des attaques). Ce dimanche-là, quatre millions de citoyens avaient participé aux « marches républicaines » dans toute la France dont la moitié à Paris, entre les places de la République et de la Nation. Tout un programme, ce parcours: impression de faire enfin République et Nation.
Sourde nostalgie
Il émanait de cette foule immense un rayonnement fraternel dont nous conservons en nous la sourde nostalgie. Les clivages entre nos tribus n’étaient certes pas abolis mais plutôt surmontés. Même les flics étaient applaudis par les manifestants, c’est dire!
Les islamoterroristes nous faisaient la guerre? Nous faisions front. Et pas Front National qui, pour une fois, la mettait en sourdine, oh très provisoirement!
Les islamoterroristes s’attaquaient à notre culture satirique et humoristique? Nous étions « Tous Charlie »
Les islamoterroristes assassinaient des Juifs? Nous étions « Tous Juifs ».
Et puis, très vite, l’esprit républicains a débarrassé les lieux en même temps que les arroseuses municipales rendaient la place à sa vacuité de goudron.
Les tribus sont retournées à leur chicane et les coteries ont repris leur morne train-train avec ses wagons de fausses polémiques.
La laïcité attaquée
Certains n’ont pas tardé à soupirer que « Tous Charlie », ça commençait à bien faire. La gauche qui, jadis, avait mené de haute lutte le combat pour instaurer la laïcité contre les forces conservatrices, ne cachait même plus ses divisions sur cette question.
A son extrême, la laïcité a même été dénoncée comme un reliquat du colonialisme. Un comble, dans la mesure où il s’agit avant tout d’un acte d’émancipation. Et une partie de la gauche n’a pas hésité à se concilier les bonnes grâces de l’islam politique pour des motifs électoralistes.
Aujourd’hui, la droite – et pas seulement son extrême – se focalise sur les immigrés, sources, à l’en croire, de tous les maux. Il s’agit, une fois de plus, de faire porter le regard du peuple ailleurs que sur les vraies causes des injustices sociales et sur les conséquences de la dette publique abyssale.
Décidément, nous n’avons rien compris.
Jean-Noël Cuénod
« décidément, nous n’avons rien compris » – certes, mais je dirai aussi que le pire, c’est que nous croyions avoir tout compris: nos aveuglements d’hier nourrissent nos égarements d’aujourd’hui.