#CensureBarnier – Stable, la Ve République? Tu parles, Charles!

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« La Liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix (Révolution de 1830).

– Serait-ce une crise politique?
– Non, Sire, c’est une crise de régime!(1)

Depuis des années, la Ve République a traversé des troubles en série. Imperturbable, la sphère politico-médiatique vantait à chaque poussée de fièvre les mérites des institutions «garantes de la stabilité du pays». Après le renversement de Michel Barnier et le chaos qui en résulte, cet argument s’est dégonflé.

La IVe République avait sombré dans l’impotence par son instabilité chronique; elle s’est montrée incapable de conduire la France dans un moment-clé de son Histoire, à savoir la fin de son système colonial, l’un des éléments essentiels de son développement économique et de son avantageuse position géostratégique.

Pour relever ce défi, Charles de Gaulle a donc instauré en 1958 une nouvelle République qui donne a l’exécutif un poids prépondérant par rapport au parlement afin, selon la formule gaulliste, de « libérer le président de la République et son gouvernement de la tutelle des partis ».

Election du président et gonflement des ego

En 1962, le général-président fera voter par une écrasante majorité du corps électoral (près de 77%) l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel direct. En 1958, l’axe du pouvoir s’était déplacé du parlement vers le gouvernement. Quatre ans plus tard, de Gaulle l’a poussé du gouvernement vers la présidence de la République.

Revêtu d’une légitimité populaire plus intense que celle de ses ministres, à commencer par le premier d’entre eux, le chef de l’Etat devient une sorte de monarque élu avec pour corollaire, le gonflement démesuré des ego et les dérives y relatives.

Le patron, c’est lui, Sauf en période de cohabitation où la France revit un tant soit peu la situation qui prévalait entre 1958 et 1962; l’axe du pouvoir retournant un peu plus vers le premier ministre.

Les vices de construction apparaissent

La Constitution de 1958-1962 a correspondu de façon adéquate au monde bipolaire de la guerre froide et au passage du colonialisme vétuste au néocolonialisme qui est actuellement en voie d’achèvement. Taillée à sa mesure quasi-mythique, elle a permis au général de Gaulle de négocier ces virages délicats.

Aujourd’hui, la Ve République est devenue un boulet pour la France. Aucune figure politique actuelle ne peut présenter un gabarit historique de type gaullien. Désormais, ce sont des nains qui habitent ces institutions conçues par et pour un géant.

Sont désormais devenus insupportables, tous les vices de construction de la Ve: l’autoritarisme, la personnalisation à outrance du chef de l’Etat, le centralisme du pouvoir, les décisions solitaires, la verticalité des rapports entre le sommet de l’Etat la base des citoyens, la lourdeur d’un régime quasi-autocratique et la perpétuation d’une démocratie de basse intensité.

Macron achève le canard sans tête

Ces structures se maintenaient tant bien que mal au fil des ans. Si elles étaient conservées, ce fut avant tout pour cette stabilité qu’elle a assurée jusqu’à maintenant. Ou plutôt jusqu’à l’arrivée du trublion Emmanuel Macron qui est en train d’achever ce canard sans tête.

Pour parvenir à l’Elysée, il a pulvérisé les traditionnels clivages partisans avec son slogan « et de droite et de gauche en même temps ». Droite et gauche qui, d’ailleurs, ne savaient plus où elles habitaient. Puis, assez rapidement, le tropisme banquier de Macron a repris le dessus en favorisant l’implantation du néolibéralisme pour transformer la France en « Start-up Nation ».

Destruction du patrimoine commun

En avantageant fiscalement les plus nantis – devenus « premiers de cordée » – Macron cherchait à créer un « mouvement d’entrainement » qui devait profiter à tous les membres de la cordée France. En fait, les « premiers de cordée » ont conforté leurs positions économiques sans s’occuper des autres. Le reste de la cordée n’a donc pas vu grand-chose de ce « mouvement d’entrainement ».

Ce qu’ils ont vu, en revanche, c’est le délabrement des services publics, ce patrimoine commun, causé en partie par les cadeaux fiscaux consentis aux « premiers de cordée ».

Il s’en est suivi une impressionnante série de colères sociales qui a ponctué les années Macron. Avec pour sommet, la « crise des Gilets Jaunes ».

On a cru un instant que le président avait enfin compris la leçon, lorsqu’il a organisé le grand débat national destiné à tirer toutes les leçons des troubles qui avaient secoué le pays durant de longs mois.

Au cours de ces discussions menées « en bas »  nombre d’idées de réformes sont « remontées », notamment la création d’instruments permettant la démocratie participative et le recours au Référendum d’Initiative Citoyenne, le fameux RIC. Une appétence certaine pour une forme de démocratie directe est alors apparue.

Macron accro au pouvoir personnel

Mais pour le président Macron, il n’a jamais été question de partager « son » pouvoir qu’il a toujours voulu vertical.

Non seulement l’Elysée s’est refusé à toute démocratisation des institutions mais encore, il a renforcé le caractère autocratique de son style de gouvernance par une sorte d’hybris égotique qui s’est parachevée par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier.

Le monde bipolaire que les politiciens pouvaient aisément comprendre dans les années 1960 et suivantes n’existe plus depuis belle lurette. Le monde éclaté en communautés clivées de natures diverses lui a succédé. L’actuelle Constitution française ne semble pas en mesure d’y répondre, d’où l’actuel chaos.

Nous voilà dans la nasse

Comment s’en sortir? Nous voilà dans la nasse. Impossible de convoquer des élections avant le 9 juin 2025. Sept mois d’attente, c’est long. Et devant les défis majeurs qui attendent la France – endettement massif, transition énergétique, développement de l’économie numérique, renforcement des armées face à la menace russe de plus en plus pesante – cela risque d’être insupportable.

Alors, démission du président actuel? Il faudra de toute façon attendre le moment propice pour que le futur chef de l’Etat puisse dissoudre l’Assemblée national après le 9 juin de l’an prochain. Cela dit, lors de son allocution télévisée d’hier soir, Emmanuel Macron a écarté toute éventualité d’abdication de sa part(2).

Démission collective des 577 députés, d’après l’idée de l’un d’entre eux? Il faudrait convaincre chaque parlementaire, ce qui n’est pas gagné d’avance. En outre, de nouvelles élections risquent de répéter l’actuelle composition entre trois groupes irréconciliables dont aucun ne détient la majorité absolue.

Vers un accord minimal pour sauver les meubles

Une solution éventuelle: la mise en place d’un accord minimal pour former un gouvernement dont l’ambition se limiterait à proposer une nouvelle loi électorale instaurant la proportionnelle, le système majoritaire à deux tours ayant créé, au moins en partie, l’actuel blocage en figeant les élus dans des accords de désistement.

A ce propos, Le Monde fait état de discussions possibles entre les socialistes, les macronistes et les droitistes républicains, au grand dam de La France Insoumise. Toutefois, il ne s’agirait-là que d’un replâtrage momentané, juste pour sauver les meubles.

Or, c’est toute la maison qu’il s’agit de rebâtir. La France ne pourra pas éternellement repousser la question d’un profond changement de Constitution; qu’on appelle cela « Ve bis » ou « VIe République », peu importe. Ce qui compte c’est que le peuple soit enfin partie prenante de cette renaissance de la République.

Jean-Noël Cuénod

1 En paraphrasant le dialogue entre le Duc de La Rochefoucauld-Liancourt et Louis XVI, un certain 14 juillet 1789: « C’est donc une révolte? » « Non, Sire, c’est une révolution! »

2 Un bémol toutefois. Lors de cette intervention télévisée le président Macron a fait montre d’un tel aveuglement sur ses responsabilités, d’un tel déni de la réalité, d’un tel enfermement dans des certitudes que plus personne ne partage qu’on peut se demander si un jour il ne va pas craquer et jeter son abdication au visage de ses concitoyens.

1 réflexion sur « #CensureBarnier – Stable, la Ve République? Tu parles, Charles! »

  1. Hip hip hip hourrah, Vive la Fronce !
    Le Marine et le Méluche ont eu la peau de ce prétentieux Barnier
    qui pensait pouvoir assainir son pays (Il a eu au moins le mérite de
    révéler l’ampleur du désastre financier; 64 milliards de dettes , misère
    à poil !) Quel plaisir de ronger, os après os, la carcasse de ce budget qui devait remettre le pays sur des rails, tout ça pour préparer une future Présidence, égoïste,
    courte vue, n’en jetez plus. On pense au sexe des anges à Constantinople.
    Et maintenant, la voie est libre, tout va s’arranger ! Merci d’avance.

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