Trump attend désormais que le monde lui réserve le Triomphe Romain que l’Empire réservait à ses vainqueurs. Donaldus Trumpus caracole sur son char médiatique après avoir gagné cette étrange guerre des 12-Jours commencée par Israël contre l’Iran et terminée par les Etats-Unis. Bref, Trump est persuadé qu’il est l’oint de Dieu et que rien ne peut lui résister. Le voilà plus dangereux que jamais.
A s’en tenir aux apparences telles qu’elles se développent actuellement, le président étatsunien a réussi entièrement sa séquence irano-israélienne. Il se vante d’avoir « totalement détruit » l’arsenal nucléaire des Mollahs après avoir ordonné à l’aviation étatsunienne de larguer 14 bombes GBU, les seules capables de percer des bunkers. Voilà pour l’homme de guerre. En forçant l’Iran et Israël à accepter « son » cessez-le-feu, le voilà homme de paix.
« Qui c’est le chef? »
De plus, en ordonnant le retour à la maison des avions que le premier ministre israélien avait engagés malgré le cessez-le-feu, Donald Trump donne une petite claque sur le museau de Nétanyahou qui l’avait manipulé ces dernières semaines. « Qui c’est le chef? Mmmh? » Force est de reconnaître que le président des Etats-Unis a joué là un coup de maître.
Mais tout à son triomphe césarien, le président étatsunien oublie – ou ignore – que la Roche tarpéienne est proche du Capitole (1).
Des bémols gâchent le concert de louanges
Les flonflons de l’autosatisfaction diminuant en intensité, des faits moins glorieux montent à la surface en faisant quelques bulles.
Selon le site Géo qui cite une dépêche de l’agence britannique Reuters, la Defense Intelligence Agency (DIA) – le renseignement militaire des Etats-Unis – jette un peu d’eau froide sur le front brûlant de Trump. En fait, les frappes de « ses » bombardiers « n’ont retardé le programme nucléaire de Téhéran que de quelques mois », loin de la destruction complète revendiquée par la Maison Blanche.
Déceptions
Ce même site Géo ajoute que les fameuses bombes GBU, pesant chacune treize tonnes, n’auraient pas obtenu l’entière satisfaction des responsables militaires qui cherchent un nouveau type de bombes pénétrantes encore plus puissantes. En matière de destruction, on n’arrête pas le progrès…
Cela dit, l’Iran mollarchique admet que son programme nucléaire a subi « d’importants dégâts » et ressort très affaibli de sa confrontation avec Israël et les Etats-Unis.
Dans le scénario le plus favorable pour tout le monde, y compris la population iranienne, les Mollahs et leur bras armé (les Gardiens de la Révolution islamiste) devraient débarrasser le plancher, emportés qu’ils seraient par la colère populaire.
Pour l’instant, le pouvoir mollarchique donne plusieurs tours de vis contre sa population. Sous le prétexte de lutte contre les espions au service d’Israël, les Mollahs et les Gardiens de la Révolution accélèrent les mesures répressives.
A la recherche de l’uranium caché
On peut craindre que, profitant de l’euphorie de Trump, le régime islamiste relance dans un secret encore plus impénétrable son programme nucléaire. D’autant plus que les agences de renseignements estiment que 408,6 kilos d’uranium enrichi à 60% ont échappé à la destruction et demeurent cachés par le gouvernement iranien dans des lieux qui n’ont pas été repérés. Avec ce matériel et son savoir nucléaire accumulé depuis plusieurs années, l’Iran mollarchique peut encore réserver de mauvaises surprises.
Les nuances apportées par le renseignement militaire étatsunien ont, comme l’on s’en doute, provoqué la colère de Donaldus Trumpus. Colère qui dévoile les dangers que l’ivresse du succès provoque sous le brushing présidentiel.
Non seulement, l’Irascible réclame le licenciement immédiat de la journaliste de CNN qui avait évoqué ce rapport de la Defense Intelligence Agency (DIA) mais encore il accuse les démocrates de trahison en ayant fait fuiter l’analyse de la DIA.
Le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, a indiqué que le FBI avait ouvert une enquête pour déterminer par quel cheminement cette évaluation préliminaire des frappes militaires étatsuniennes en Iran avait été rendue publique.
Le courant technofasciste
Depuis sa deuxième élection à la Maison-Blanche, Trump n’est plus seul. Tout un courant structuré idéologiquement le soutient; il s’agit d’une sorte de technofascisme alliant les libertariens et les technologies les plus en pointe avec les positions sociales, sociétales et politiques les plus rétrogrades, les plus régressives, les plus discriminatoires et les plus violentes.
Ce technofascisme cherche à supprimer toutes les mesures contre les discriminations raciales, tous les programmes d’aides aux familles pauvres afin qu’aucune loi ne vienne entraver le capitalisme rendu à l’état sauvage, un capitalisme de mecs blancs bien sûr.
Pour ce faire, il faut vider la démocratie des Etats-Unis de leur substance. C’est ce que Donald Trump est en train d’accomplir en s’attaquant au pouvoir judiciaire, aux sciences sociales, aux médias indépendants, aux grandes universités et maintenant à l’opposition démocrate.
Memento mori
Après ses succès sur la scène internationale, la tentation est grande pour lui d’accélérer encore plus ses atteintes à la démocratie étatsunienne. Et à ce genre de tentation, le président étatsunien a toujours cédé.
Nous sommes loin de la sagesse des Romains de l’Antiquité. Lorsqu’un de leurs généraux revenait couvert de gloire après la bataille, un esclave était délégué pour l’accompagner sur le char du
triomphe afin de lui rappeler régulièrement son état de simple mortel: Hominem te esse memento.
Aujourd’hui personne ne vient murmurer à l’oreille de Trump: memento mori.
Jean-Noël Cuénod
(1) Le Capitole, plus petite colline de Rome, était le lieu du pouvoir dans l’Antiquité. Les condamnés à mort étaient précipités du haut de la Roche Tarpéienne.