Pour l’instant, l’été nous épargne sa fournaise. Mais elle sévit ailleurs, dans nos pauvres esprits plus malingres que nos gueules ouvertes. Après les Gilets Jaunes, les Gilets Antivax. Silence, on clive ! Nous n’avons donc rien d’autres à faire que de nous battre sans débattre. S’il vous plaît, une pause… Eh bien ! faisons-la dans ce pays sans limite et sans Etat, la poésie.
Cette suite à lire et à ouïr est inspirée par une forme de poème classique japonais, le tanka, ancêtre du haïku, nettement plus connu en Occident. Il est ainsi formé : un tercet de 5,7 et 5 pieds, suivi d’une très légère pause, puis d’un couplet de deux fois 7 pieds, soit 31 pieds en tout. La seconde partie est censée conforter la première et les deux ne traitent que d’un seul sujet. Le haïku n’est formé que du tercet (toujours 5/7/5 pieds) ; il est apparu après le tanka.
Les langues française et japonaise sont construites de façons radicalement différentes. Toutefois, l’espèce humaine est une. Le francophone peut donc faire siennes les contraintes offertes par cette forme de poésie japonaise, tout en gardant ce qui fait le génie propre de sa langue. Il y a plusieurs demeures dans la maison du Poète.
Les tankas ci-dessous forment une suite et peuvent donc être lus d’une seule traite. Mais il est tout aussi possible de les lire séparément, voire de les mélanger pour en faire une autre lecture.
A LIRE
Je vois ton parfum
Transpercer mes nuits blanches
Ton corps se fait jour
Un opéra se déploie
Je n’en crois pas mes oreilles
Comme un fruit mûr
La forêt s’ouvre au matin
Délire des oiseaux
L’éphémère danse au soleil
Dans un murmure de mouches
Immensité cosmique
Dans une flaque d’été
Laissée par l’orage
La mémoire des éclairs
Inscrite au bord du chemin
Un chat revêtu
D’astuces et de silence
Glisse dans le bois
Semeur de sang et d’effroi
Beau comme un ange déchu
Lueurs feux follets
Sur le corps du marécage
Qui digère le jour
La lune boit la nuit
Sous les étoiles muettes
Juge séculaire
Le haut chêne me regarde
Je baisse la tête
Sur le sol j’y vois la vie
Comme si c’était le ciel
Vent frais et soudain
Ce messager de l’orage
Sur nos peaux aveugles
Que ferons-nous de son souffle
Avec nos jambes coupées ?
Tourbillon vital
Galaxies et bactéries
Une seule main
Le Lien est le Dieu
Le saisir c’est tout
Jean-Noël Cuénod
A OUÏR
C’est stupéfiant. Je l’ai lu dans tous les sens et c’est à chaque fois d’autres impressions. Une pure merveille ! MERCI cher Jean-Noël.
Merci mon très cher Jean-Noël, pour ces parenthèses enchantées.