Nouvelle victoire des terroristes contre la liberté

Les députés français examinent actuellement le projet de loi sur le renseignement destiné à lutter en amont contre le terrorisme, notamment par la surveillance d’internet. Quels que soient les dispositifs techniques et les finesses juridiques pour faire passer ce train de mesures à grande vitesse, la liberté personnelle en prend un méchant coup.

Tout d’abord, l’ensemble de ces dispositifs sera concentré dans les mains du premier ministre. Si un jour Marine Le Pen arrive à l’Elysée, on frémit d’avance à l’usage qui pourrait être fait d’un tel pouvoir. En guise d’amusette cosmétique, le gouvernement prévoit une «Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement» mais elle sera de peu de poids. On peut faire confiance à l’entourage du gouvernement pour organiser l’urgence afin que cette instance reste à sa place d’élément décoratif.

Ensuite, le gouvernement plaide qu’il ne veut capter que des métadonnées consignées par les réseaux sociaux, les hébergeurs de sites, les fournisseurs d’accès internet et que celles-ci seront anonymes. Les métadonnées décrivent l’origine et le destinataire d’un courriel, les mots de passe utilisés, l’adresse IP des sites visités. En fait, disposer des métadonnées d’un quidam dit encore plus de choses sur ses relations et les circonstances de sa vie que les babils enregistrés par les «longues oreilles» de naguère.

Quant à la garantie de l’anonymat, ce n’est même pas de la bouillie pour chat. La gent féline, par bonheur pour la perpétuation de son espèce, n’est pas nourrie de vent. L’anonymat ne peut jamais être garanti dans de telles circonstances. Si nos cyberlimiers s’intéressaient à tout d’une personne-cible, sauf à son identité, cela relèverait du théâtre de l’absurde (le monde du renseignement n’en est pas toujours éloigné, il est vrai). Or, lorsqu’elle est connue, une identité risque forcément d’être dévoilée à des tiers qui ne sont pas forcément animés des meilleures intentions. On peut facilement «monter un turbin», comme le disaient jadis les vieux flics, contre un personnage gênant.

Toutefois, force est de reconnaître qu’il faut donner à la police et à la justice les moyens d’effectuer la cybertraque contre les islamoterroristes. Ceux-ci disposent d’indéniables talents dans ce domaine comme l’a démontré l’assaut numérique dont la chaîne francophone TV5 a été la récente victime. L’islam radical a imposé sa guérilla mondiale à nos démocraties, c’est un fait. Qu’il faille répliquer avec efficacité en est un autre.

Mais justement, en grignotant par-ci par là le socle sur lequel reposent l’Etat de droit et la liberté individuelle, les responsables politiques des démocraties entrent tout à fait dans le jeu des intégristes de l’islam qui vouent à nos principes la haine la plus implacable. Ce qu’ils veulent, c’est abattre la démocratie. Si nous faisons une partie du travail à leur place, quoi de mieux pour eux?

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Tout n’est pas forcément néfaste dans le projet de loi du gouvernement Valls. Mais son principe de base est dangereux, en confiant au premier ministre des pouvoirs exorbitants. Manuel Valls (photo) et son ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve ont soigneusement écarté les magistrats de l’ordre judiciaire dans cette nouvelle loi, sous le mauvais prétexte qu’il faut souvent agir en urgence, comme si les juges et procureurs n’avaient pas, eux aussi, l’habitude de gérer ce genre de situation extrême!

C’est-là que réside le vice fondamental du projet. Les magistrats apportent un regard qui n’est pas biaisé par les ambitions politiciennes; ils se situent dans la longue durée à travers les changements de majorité. Si quelques malfaisants personnages parvenaient à prendre le pouvoir, les juges pourraient toujours servir de garde-fous. Or, ces garde-fous, Valls et Cazeneuve les ont enlevés, c’est fou !

Mais il est une autre victoire, encore plus inquiétante, que les islamoterroristes viennent de remporter. Un récent sondage CSA indique que 63% des Français interrogés se déclarent favorables à la limitation des libertés individuelles sur internet, notamment en surveillant les données de navigation des internautes.

Or, dès qu’un peuple préfère sa sécurité à sa liberté, il sera prêt, un jour ou l’autre, à accepter le pire.

Jean-Noël Cuénod

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