Rayonnante ! Marine Le Pen est apparue aussi heureuse que soulagée au vu du résultat de la présidentielle. Elle n’aura pas à appliquer son programme inapplicable, ni à expliquer en quoi il est inapplicable. De plus, grâce à elle, l’extrême-droite en France pèse plus de 13 millions d’électeurs. Quant à Macron, sa large victoire ne le vaccine pas contre des périls de même taille.
« Tout de même, il n’y a pas 13 millions de xénophobes lepénistes en France », allez-vous me rétorquer. Certes. Il n’empêche qu’ils ont apporté leurs suffrages à la représentante d’un parti qui est historiquement d’extrême-droite, ouvertement xénophobe, dangereusement anticonstitutionnel et dont le programme économique est d’une nullité criante. Cela fait quand même beaucoup d’obstacles à surmonter pour exprimer sa colère !
Zemmour reste un « idiot utile »
Avec 42,46% des voix, Marine Le Pen et son parti se rapprochent toujours plus près du plafond de verre qui les sépare encore du pouvoir. Il n’est pas brisé mais devient zébré de fêlures. Elle peut désormais se poser en principale opposante à Macron.
Toutefois, pour qu’elle se coule dans les habits de la présidence, il lui reste un gros handicap à surmonter : la médiocrité intellectuelle de son entourage, médiocrité démontrée par son programme social et économique, démonté sans difficulté par Emmanuel Macron lors du débat de l’entre-deux-tours.
Ce très lourd déficit peut être comblé, au moins en partie, par les éléments pro-Zemmour, celui-ci ayant dragué une partie de l’électorat grand-bourgeois et diplômé qui d’ordinaire snobe le clan Le Pen. Même s’il ne pèse pas grand-chose sur le plan électoral, Eric Z. reste donc « l’idiot utile » complémentaire de Marine Le Pen, malgré leur détestation réciproque.
La gauche n’est pas morte, elle bouge encore
La cheffe frontiste et son Rassemblement affronteront un autre prétendant en matière d’opposition, Jean-Luc Mélenchon qui, après sa campagne de 1er tour réussie, est la seule figure capable de démontrer que la gauche n’est pas morte.
S’il réussit à la rassembler dans sa Nouvelle union populaires et s’il convainc les nombreux cadres locaux du Parti socialiste de le rejoindre, il sera bien parti pour ramasser une bonne mise aux prochaines élections législatives des 12 et 19 juin prochains. En effet, les principaux protagonistes de cette présidentielle, en appellent tous à ce « troisième tour », ajoutant ainsi de façon irresponsable à l’hystérisation de la vie politique française,
Quant à Emmanuel Macron, la légitimité de sa réélection est rendue manifeste par le large score qu’il a obtenu : 58,54% des voix et près de 19 millions de suffrages. Il n’a donc pas perdu et n’est même pas le président le plus mal élu, contrairement à ce que prétend Jean-Luc Mélenchon (lire ici).
Macron tente de se la jouer modeste
A-t-il gagné pour autant ? Avec une abstention record de 28% – la pire depuis 1969 lorsque « bonnet blanc » Pompidou l’avait emporté sur « blanc bonnet » Poher – Emmanuel Macron a eu raison de ne pas s’être laissé entraîner par son penchant ego-admiratif, hier soir ; son discours de victoire s’est révélé bref, modeste et vague.
Le choix de son premier ministre va se révéler déterminant car c’est lui qui mènera le combat électoral pour les prochaines législatives. Toujours privé d’assises locales Emmanuel Macron devra compter sur les grands perdants de la présidentielle, les anciens partis de gouvernement, Les Républicains et les socialistes, qui restent importants à l’échelon départemental et régional.
L’indigence des propositions environnementales
Si les élus de ces deux formations agonisantes le rejoignent en masse, Macron peut espérer éviter le cauchemar de la cohabitation impossible avec Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon comme premier ministre. Il n’y a plus d’autres alternatives politiques que le Rassemblement national et les Insoumis, du moins pour le moment.
Cette campagne présidentielle restera décevante jusqu’au bout. Ni Marine Le Pen ni Emmanuel Macron n’ont évoqué de façon détaillée leurs options sur le plan climatique et écologique qui sont pourtant les préoccupations majeures des jeunes générations. Ce n’est pas cette lacune béante qui les incitera à sortir de l’abstention.
Jean-Noël Cuénod
Merci pour cet article toujours aussi clair et précis!
Mais que dire de la probable réaction de la rue à une période de l’année historiquement appropriée (le mois de mai…) ?