Changement d’arrogance! ©Wikipédia

La vision politique, la perspective historique, l’effort pour comprendre la complexité et le courage de prendre des décisions étant passés de mode, surnage l’arrogance, ce trait commun aux détenteurs des pouvoirs. Vous avez aimé l’arrogance d’Emmanuel Macron? Vous allez adorer celle de Jordan Bardella!

Cette suffisance hautaine et méprisante, cette surdité à l’autre ont caractérisé la présidence d’Emmanuel Macron. A un point tel que les Français lui voue une détestation d’airain.

Il y a arrogance et arrogance. Celle de Macron relève d’une espèce que nous connaissons, hélas, fort bien en Suisse, l’arrogance bancaire, travers somme toute naturel pour celui qui fut associé-gérant de la Banque Rotschild.

L’arrogance du banquier

L’arrogance bancaire se caractérise par la flatterie bien ajustée envers les gros clients et le mépris affiché pour tous les autres, ces imbéciles qui ne figurent pas dans le cercle étroit des décideurs financiers: « Vous ne comprenez rien à l’économie. Laissez donc ceux savent s’occuper des affaires sérieuses. Vaquez, manants, à vos menus travaux et restez devant vos écrans.»

Sauf que les Mozart de la finance ont multiplié les fausses notes ces dernières années.

Transvasé dans le monde politique français, l’arrogance bancaire a provoqué les ravages qui sévissent actuellement. Les succès de l’extrême-droite française ont, bien entendu, de nombreuses causes. Mais l’arrogance de type bancaire d’Emmanuel Macron n’est pas la moindre.

L’arrogance du cancre

Avec Jordan Bardella, nous commençons à subir un autre type d’arrogance, celle du cancre.  Il n’a que faire de lire les lois avant de les voter, s’embrouille en évoquant son programme sur les retraites, change d’option économique à peu près chaque jour.

On le sait désormais, son incompétence devenue notoire ne l’a pas empêché d’accumuler les succès électoraux.

Plus il s’enfonce dans les erreurs et les approximation, plus il gagne des points dans les sondages. Aujourd’hui, les grilles de lecture rationnelle ne servent à rien en politique.

Par conséquent, malgré les désistements massifs entre la gauche et les macroniens pour le second tour des législatives, Jordan Bardella risque fort de devenir premier ministre lundi matin.

A l’évidence, l’arrogance du cancre passe beaucoup mieux que l’arrogance du banquier. Les cancres ont un côté rassurant. Nous avons tous en nous un cancre qui ne demande qu’à être cajolé.

Et la guerre à nos portes…

Cela dit, l’arrogance du cancre ouvre une source de dangers particulièrement calamiteux.

Ainsi, Jordan Bardella, affirme que, lui premier ministre, le président Macron ne sera qu’un chef des Armées à titre honorifique. Le véritable patron de la Défense nationale, ce sera lui.

Voilà qui est intéressant puisque la guerre est à nos portes! La France continuera-t-elle d’aider l’Ukraine contre l’envahisseur russe malgré les positions ambiguës de Bardella et du Rassemblement national (RN) sur le régime de Poutine?

Ces questions géopolitiques et militaires cruciales, d’une extrême complexité, pourraient donc être réglées par un chef de gouvernement de 28 ans qui ne possède que le bac, et qui, à part sa fonction d’apparatchik du RN, n’a aucune expérience professionnelle, hormis un stage d’un mois dans l’entreprise de papa, spécialisée dans les distributeurs automatiques de boissons.

Il sera conseillé, mais par qui?

Bien sûr, il sera conseillé. Mais par qui? Par des agents d’influence aux ordres de Moscou? Par d’autres incompétents? Par des personnages douteux sautant sur la faiblesse de leur proie pour mieux la manipuler?

Etre conseillé est chose normale, hautement souhaitable. Encore faut-il disposer du bagage nécessaire pour être en mesure d’arbitrer entre les conseils et de ne pas se laisser dominer par ses conseillers.

Toutes ces objections, Bardella les balaie en continuant à faire le clown sur TikTok.

Le banquier arrogant affirme tout savoir. Le cancre arrogant, lui, se vante de ne rien savoir. La connaissance, l’étude des dossiers est de peu de poids en regard des vidéos postées sur les réseaux sociaux.

Pour obtenir des suffrages, c’est efficace, Bardella nous le prouve. Mais pour conduire la politique de 68 millions de femmes et d’hommes dans une configuration géopolitique explosive, c’est tout de même un poil léger-léger!

L’arrogance du cancre ose tout. C’est sa force. Qui risque de devenir notre faiblesse.

Jean-Noël Cuénod