Jean-Marie Le Pen, du menhir au grain de sable

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5 octobre 1972-20 août 2015. Entre ces deux dates, 43 ans d’existence pour le Front national avec Jean-Marie Le Pen. Désormais, le voilà bouté hors de la formation qu’il avait contribué à créer en faisant d’un ramassis de nostalgiques de Pétain, de cathos intégristes, d’anciens de la Waffen SS française, de païens qui rêvaient de Thulé dans les bois de Meudon et de veufs de l’Algérie française, un parti politique uni.

Le Bureau exécutif du Front national a, comme son nom l’indique, exécuté l’ancêtre en l’excluant de son propre parti. A la niche, le vieil aboyeur qui n’a pas compris que l’heure était désormais à l’extrémisme chafouin, au racisme implicite mais non explicite, au nationalisme petit doigt levé!

Bien entendu, ni Marine Le Pen ni son bras droit Florian Philippot n’ont assisté à la mise à mort. Ils ont délégué ça à leur valetaille. Mais personne n’est dupe. La fille voulait la peau tannée de son père. Elle l’a eu. Elle voulait régner seule, sans l’ombre brune de son géniteur. C’est chose faite.

Le plus comique dans cette histoire est que Jean-Marie Le Pen a fait aujourd’hui la même erreur que celle commise à son propos par ses adversaires internes, peu après la naissance du Front national.

Celui-ci a été créé à l’initiative du mouvement néofasciste Ordre Nouveau qui voulait repeindre sa façade de couleurs électoralement plus avenantes. Pour ce faire, les dirigeants du groupuscule ont sorti de sa retraite politique, l’ancien député poujadiste Jean-Marie Le Pen et l’ont placé à la présidence du Front national dès sa fondation, pensant qu’il serait manipulable à leur gré. Mais les responsables d’Ordre Nouveau ont gravement sous-estimé les capacités de manœuvres du lieutenant Le Pen.

Fin procédurier, sachant rapidement profiter des erreurs de ses adversaires, Jean-Marie Le Pen s’est finalement débarrassé des responsables (si l’on ose dire) d’Ordre Nouveau pour régner seul.

Quatre décennies plus tard, c’est Jean-Marie Le Pen qui est tombé dans le piège de la sous-estimation. Et qui plus est, de la sous-estimation de sa propre fille. Elle a fait preuve des mêmes capacités manœuvrières qui furent celles que son père avait déployées pour devenir l’unique chef des frontistes.

Pour motiver leur décision, les membres du «Bureau d’exécution» rappellent notamment les déclarations médiatiques récentes de Jean-Marie Le Pen qui en remettait une couche sur les chambres à gaz «détails» ( !) de la Seconde guerre mondiale et sur les convictions pétainistes de nombreux frontistes. Or, ce genre de propos, cela fait des années que Le Pen les tient sans que qu’ils n’aient provoqué la réprobation de sa fille ou des instances du FN. Il s’agit donc d’un prétexte pour se débarrasser du vieux qui prenait un peu trop au sérieux son titre de «président d’honneur».

Dans un pLesLePen'sarti autoritaire, il ne peut y avoir deux chefs. Le Pen pensait donner le Front national à sa fille tout en gardant la présidence réelle du parti mais il s’est fait avoir comme un bleu. Marine Le Pen a choisi le bon moment pour le mettre hors-jeu, à l’image de son père qui a attendu son heure pour jeter Ordre Nouveau hors du Front national.

Jean-Marie Le Pen a fait du FN, une organisation autocratique et fortement hiérarchisée où la base doit obéir au sommet. Aujourd’hui, ce système hiérarchique qu’il a mis en place se retourne contre lui. Le sommet, ce n’est plus lui et il n’est même plus à la base. Certes, malgré le poids difficilement surmontable de ses 87 ans, il lui reste des capacités de nuisance qu’il va déployer contre sa fille. Mais celui qui se faisait surnommer « Le Menhir» n’est plus qu’un grain de sable dans l’escarpin de son héritière.

 Jean-Noël Cuénod

 

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