François Hollande ou la déroute en chantant

shutterstock-taupe-taupier-versailles-conseils-contre-les-taupes-01Inébranlable. A ses visiteurs – qui sont priés de le répéter aux médias en prenant la mine mystérieuse des favoris du sérail – François Hollande affirme qu’il tient bon, qu’il cache dans la manche de son costume gris taupe des atouts pour se faire réélire en 2017. Peu importent le million de jeunes (et d’anciens jeunes) qui déboulent dans les rues de France, les colossales finesses qui se retournent contre lui, les échecs qui font mal, les initiatives qui font pschiiit et les projets qui font plouf. (Photo: François Hollande tentant de s’extirper d’un de ses Himalayas)

Sa fameuse loi travail est détricotée à chaque fois qu’un corps social montre les dents. Si bien que l’on aura un texte typiquement «hollandais» qui, de concessions en corrections, transforme la grrrrande rrrréforme  – roulez tambours !– qui allait rendre l’embauche des chômeurs attractive pour les chefs d’entreprise, en réformette – résonnez pipeaux ! – qui, en voulant ménager chacun mécontente tout le monde.

Billard à trois bandes et à un mauvais trou

Pour la constitutionnalisation de l’état d’urgence, même scénario pourri. François Hollande a voulu jouer au malin en puisant ses projets dans l’arsenal démagogique de l’extrême-droite afin de court-circuiter Nicolas Sarkozy. La déchéance de nationalité pour les terroristes était l’une des mesures mises en avant par le président – on ne rit pas ! – socialiste. Cette vieille lune du Front national ne sert strictement à rien pour lutter contre le djihadisme. Qu’importe, ça fait vibrer les réseaux sociaux et ça empiète sur la droite. Vous ne pouvez pas comprendre. C’est du billard à trois bandes. Mais l’ennui avec Hollande, c’est que la balle tombe souvent dans le mauvais trou.

Il est resté bloqué par ce piège pourtant bien prévisible : soit on ôte la nationalité à tous les terroristes, même à ceux qui n’ont que le passeport français et l’on créé des apatrides, contrairement au droit international ; soit, on ne l’enlève qu’aux terroristes binationaux et l’on suscite une inégalité de traitements entre deux types de Français. On connaît la suite : incapable d’obtenir la majorité des trois cinquièmes des parlementaires pour changer la Constitution, François Hollande a dû renoncer à inscrire l’état d’urgence dans le marbre de la Loi fondamentale. Heureusement d’ailleurs pour la liberté des Français. On frémit à l’usage qu’une Marine Le Pen aurait pu faire d’une telle réforme, offrant plus de pouvoirs à la police et moins à la justice.

Il en est allé de ce projet comme des autres grandes propositions présidentielles : on dessine un Himalaya sur les écrans médiatiques et c’est une taupinière, dans le meilleur des cas, qui surgit sur la terre du réel.

Le capitaine de pédalo coincé au milieu du gué

François Hollande a été élu sur une politique clairement axée à gauche, avec une augmentation d’impôt pour les plus riches qui aurait permis d’aider les petites et moyennes entreprises. Mais il s’est laissé bloquer d’emblée par la chancelière allemande en acceptant le traité européen sur la rigueur budgétaire. Dès lors, sa marge de manœuvre a été réduite à un mince filet. Il aurait dû ouvrir une crise au sein de l’Union en refusant, par le biais de son parlement, de parapher le traité européen. Cela aurait permis au moins de vider un abcès qui continue à infecter l’UE.

Mais Hollande n’est pas un homme de rupture. Il préfère louvoyer. A cet égard, la formule lancée par Jean-Luc Mélenchon, faisant du président un capitaine de pédalo, s’est cruellement vérifiée. En se pliant au diktat de Berlin, le président socialiste n’a pas eu d’autres choix que de mener une politique libérale. Mais alors, il aurait fallu expliquer ce revirement aux Français, notamment à ses électeurs, et définir clairement la nouvelle optique sociale-libérale de son gouvernement. Au lieu de cela, Hollande n’a pas assumé publiquement sa volte-face, distillant ici et là des réformettes plus ou moins libérales et rarement sociales, tout en prétendant mener une politique de gauche.

En suivant la logique du capitalisme, son action ne va pas assez loin dans le sens du libéralisme. Mais dans une optique socialiste, elle trahit tous les objectifs poursuivis par la gauche. A cause de cette politique chafouine, la France se trouve au milieu du gué au moment de la plus forte crue. D’où l’angoisse collective qui parcourt l’Hexagone.

Le désarroi français est d’autant plus grand que personne ne voit d’issue à la situation présente. Il n’y a guère que François Hollande pour croire en ses chances en 2017. Nicolas Sarkozy et son catastrophique quinquennat ne sauraient constituer une alternative. Malgré ses succès électoraux, le Front national ne possède pas un appareil politique compétent et Marine Le Pen a démontré lors de son calamiteux voyage au Canada – où aucune figure politique, même de second plan, n’a accepté de la rencontrer –qu’elle ne dispose d’aucune crédibilité internationale. Sauf dans la Russie poutinienne qui participe au financement de son parti.

Le centre introuvable

Tous les regards convergent donc vers Alain Juppé, l’ancien premier ministre de Jacques Chirac. Ce qui, d’ailleurs, en dit long sur l’absence de renouvellement des élites politiques françaises. Libéral mais soucieux de régulation, partisan d’un centre-droit ouvert à certaines idées sociales-démocrates mais fermé au racisme d’extrême-droite, Juppé paraît en situation de fédérer les électeurs du centre-gauche et du centre-droit qui, numériquement, constituent la grande majorité des Français. Mais cette majorité numérique n’a pas – pas encore ? – trouvé le vecteur politique qui lui permettrait de parvenir enfin au pouvoir. Le mode de scrutin – majoritaire à deux tours – ne le permet pas. Il a créé le bipartisme qui a scindé le centre en deux parties opposées. Avec le tripartisme qui se dessine par le surgissement du Front national, cette situation ne va pas s’améliorer. Au contraire, la présence du FN va radicaliser tant la gauche que la droite classique, au détriment du centre.

Dès lors, la France ne pourra pas se sortir de sa mélasse sans une réforme profonde de ses institutions. Le mode de scrutin actuel favorise les forts en gueule. Il devient indispensable d’avantager, sinon les forts en thème, plutôt les forts en cervelle.

Jean-Noël Cuénod

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