Fillon et Le Pen même combat contre la justice

Fillon-François-Lunettes

François Fillon, la justice à courte vue

Convoqué par les juges d’instruction pour être mis en examen, Fillon crie à l’assassinat politique. Dans le tohu-bohu médiatique, on oublie juste un détail, la mise en examen est un droit en justice pénale et non pas une pré-condamnation.Maladroit dans ses bottes, François Fillon a fait ce midi une déclaration solennelle, courroucée et empreinte de mauvaise foi pour dire que même mis en examen, il maintient sa candidature à l’élection présidentielle. Voici son introduction :

« Mesdames et messieurs, mon avocat a été informé que je serai convoqué le 15 mars par les juges d’instruction afin d’être mis en examen. Il est sans exemple qu’une convocation de mise en examen soit lancée quelques jours après la désignation par les juges, sans qu’ils aient pris connaissance du dossier, sur la simple base d’un rapport de police, manifestement à charge. »

Sur la base d’un simple rapport de police ? A l’entendre, on croirait qu’un flic a tapé avec deux doigts sur son clavier un rapport comme ça, juste pour embêter Fillon parce qu’il s’embêtait au fond de son commissariat. En fait, c’est le Parquet national financier qui a ordonné cette enquête « pour détournements de fonds publics et abus de biens sociaux », le 25 janvier, sitôt connues grâce à la presse les accusations concernant les emplois par Fillon de sa femme et de ses enfants.

Sur ordre du Parquet, les policiers spécialisés en matière financière ont établi leur rapport. Celui-ci a été transmis au Parquet. Les magistrats l’ont étudié et en ont conclu qu’en l’état, un classement sans suite n’était pas possible. Dès lors, le Parquet n’avait pas d’autre solution que de se dessaisir du dossier pour le confier à des juges indépendants du pouvoir, afin qu’ils instruisent à charge et à décharge. Rien de plus normal, contrairement à ce que prétend le candidat de la droite bien coiffée.

Précipitations de la justice ? Qu’aurait-on dit si elle n’avait pas réagi rapidement dès que l’affaire Fillon était devenue l’information principale de l’actualité française ? De toute façon, l’ancien premier ministre aurait trainé le boulet des accusations morales, justice ou pas justice. Même pour lui, autant crever l’abcès le plus vite possible.

Fillon : « assassinat politique » !

Parler d’assassinat politique, et même d’assassinat de l’élection présidentielle comme l’a proféré Fillon, relève de l’imposture. Débarrassée des fausses idées à son sujet, la mise en examen n’est rien d’autre qu’un acte de procédure parfaitement banal. Et qu’un juge convoque, avant de l’entendre, un justiciable à titre de mis en examen n’a rien d’anormal. Au contraire. Car la mise en examen, contrairement à ce qu’on cherche à faire croire, offre des droits fondamentaux au justiciable. Ce statut lui donne accès à son dossier ; le justiciable peut donc prendre connaissance des accusations précises qui sont portées contre lui et préparer ainsi, dans de bonnes conditions, son système de défense. Il peut aussi se taire et même mentir sans être poursuivi pour faux témoignages. En revanche, si les juges d’instruction avaient convoqué Fillon à titre de témoin, la défense aurait pu, à bon droit, crier au piège.

De plus, François Fillon peut fort bien sortir de cette audience du 15 mars avec un autre statut, celui de témoin assisté d’un avocat ou de simple témoin, cela dépendra de ses explications et de la façon dont elles s’inscrivent dans le dossier.

Marine Le Pen menace

Le candidat du parti LR a sonné contre la justice une charge d’une telle violence qu’elle rejoint celle de Marine Le Pen, dont le parti est lui aussi empêtré dans des affaires d’emplois fictifs. Dimanche dernier à Nantes, la candidate du Front national a déclaré qu’une fois élue elle mettra en cause les fonctionnaires et les magistrats qui auraient, à l’en croire, participé aux « attaques antidémocratiques » dont elle s’estime victime.

Une procédure judiciaire normale est donc perçue comme une « attaque antidémocratique » par des gens qui n’hésitent pas à briguer le poste de président de la République qui, selon l’article 64 de la Constitution française, « est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ». Le culot de ce genre de personnage reste une source inépuisable d’étonnement effaré !

Si attaques il y a, elles sont le fait des deux candidats de la droite dont l’une se flatte d’être « de gouvernement ». Que deux forces politiques de ce calibre cherchent à déstabiliser l’institution judiciaire, voilà qui est plus qu’inquiétant. Aux Etats-Unis, la justice a démontré à quel point son rôle de contre-pouvoir est essentiel dans une démocratie.

Jean-Noël Cuénod
VIDEO DE L’INTERVENTION DE FILLON

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