Cérémonie d’ouverture des JO: la nécessaire provocation

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©Organisation des Jo de Paris 2024

Que restera-t-il de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques? La pluie, diront les esprits chagrins. L’émerveillement, répliqueront celles et ceux qui ont gardé adolescent leur regard. Qu’importe, son but est atteint: elle fait causer. En plus, elle provoque l’indignation pontifiante de l’extrême-droite. Spectacle qui met toujours en joie !

La retransmission télévisuelle terminée, Le Plouc se relevait de son fauteuil, sonné comme le fut Sonny Liston après avoir dégusté les bottes de gnons offertes par Cassius Clay – qui ne s’appelait pas encore Mohamed Ali (à ouïr la magnifique rétrospective consacrée à ce monument de la boxe par France-Culture).

Un chaos bien ordonné

De ce chaos bien ordonné, Le Plouc en sort titubant entre grandiose, vulgarité, poésie, tape-à-l’œil, dérision, m’as-tu-vu franchouillard, beauté éternelle des lumières parisiennes. Et surtout, baigné de cette énergie vibratoire que même les commentaires nunucho-cucul-la-praline des médiacrates ne parvenaient pas à filtrer.

Ce mélange étant bien déposé au fond de la casserole qui sert de tête au Plouc, surnage l’impression d’avoir vécu un moment d’une rare intensité. Même la pluie a ajouté sa bénédiction en rendant encore plus inoubliable l’exploit des artisans de cette cérémonie.

La fausse « affaire » de la Sainte-Cène

La provocation et la transgression sexuelles exhibées ont suscité des éclats de polémiques qui, souvent, ont raté leur cible. A preuve, la fausse « affaire » de la Sainte-Cène.

L’aigre cohorte des culs-bénis s’est indignée que des drags-queens aient mimé le dernier repas du Christ. Même Jean-Luc Mélenchon a ajouté sa louche de réprobation.

Dieu merci, le maire de Tournus, Bertrand Veau, a remis le Temple grec au milieu de l’agora dans un commentaire sur Face-Book:

Il ne s’agit pas d’une référence à « la Cène », mais à la théologie grecque et en particulier au mariage de Thétis et Pélée (les parents d’Achille), avec l’incarnation de Dionysos, le Dieu du vin, qui semblait avoir plus d’humour que certains catholiques d’aujourd’hui.

Et de toute façon le Christ n’a-t-il pas dit « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon père »?

Canaliser l’énergie sexuelle

La transgression sexuelle traverse toute l’histoire de l’humanité. Dès qu’ils ont établi la hiérarchie des pouvoirs, les hommes se sont évertués – c’est le mot! – à canaliser la force créatrice par excellence, l’énergie sexuelle. Le sexe débridé, c’est l’anarchie assurée.

Des règles contraignantes furent donc inévitablement prises pour sortir du chaos et mettre en marche le développement le moins irrationnel possible de l’humanité.

Toutefois, les effets pervers de ces contraintes rendent la vie morose et flasque ce qui n’engage pas à la reproduction, on en conviendra! C’est alors qu’intervient, tout aussi inévitablement, les transgressions sexuelles transmises par l’art et les fêtes, deux modes indissolublement liés, afin de redonner force et vigueur à un corps social trop corseté.

Le coup de talon du noyé?

En ce sens, la cérémonie d’ouverture parisienne a parfaitement rempli son rôle. Qu’elle soit créée dans une nation, la France, traversée par des passions tristes, ne doit rien au hasard. C’est dans l’extrême des contraires que l’art se forme. Et si cette cérémonie folle symbolisait le coup de talon du noyé pour remonter à la surface? Cela ne coûte rien de l’espérer.

Cela dit, à tout mouvement transgressif de grande ampleur, correspond un mouvement inverse par effet de balancier.

L’exemple du Berlin des années 1920

Question provocation sexuelle et artistique, il est difficile d’aller plus loin que le Berlin des années 1920. Sitôt parvenu au pouvoir, les nazis mettent avec violence un terme à ce « dévergondage dégénéré ». Lourd retour du balancier.

L’explosion transgressive de la cérémonie d’ouverture de Paris 2024 annonce-t-elle des lendemains qui pleurent?

Le pire n’est jamais certain mais mieux vaut rester sur ses gardes.

Doit-on renoncer à transgresser? Surtout pas. Cela pourrait donner, au contraire, des ailes au balancier, les censeurs se voyant ainsi confortés dans leur volonté répressive.

Il faudrait plutôt garder à l’esprit le destin du Berlin de l’entre-deux-guerres en ne cédant jamais aux revendications puritaines.

Souvent, elles sont soutenues par une majorité de la population. C’est alors le rôle des avant-gardes de lui tenir tête afin de rappeler que le peuple n’est pas une vache sacrée et qu’il peut devenir le pire ennemi de lui-même.

Jean-Noël Cuénod

8 réflexions sur « Cérémonie d’ouverture des JO: la nécessaire provocation »

  1. Je me délecte de cette lecture !
    Tout ce que je pense sans pouvoir l’exprimer aussi pertinemment et poétiquement
    Ça fait du bien après la lourde période vécue en juin et tout début juillet.
    Merci

  2. Merci de cette analyse sur la cérémonie d’ouverture des JO. Je la partage totalement, surtout au sujet de la renonciation à la transgression. Même si parfois transgresser peut être un acte gratuit, cela sera toujours une forme de combat, de résistance face à une bien-pensance encroûter jusqu’à aller casser les dents au temps qui passe et forcément change…
    Bravo !

  3. L’ouverture des JO montrait au monde entier ce que la liberté l’égalité et la fraternité permettent de faire et de vivre, tout en terminant d’une manière très solennelle, respectueuse et avec l’hymne à l’amour. C’était une démonstration de notre démocratie et la laïcité face à tous les régimes politiques présents ou absents.

    Pourquoi certains ne retiennent que ce qui les ont choqué?
    Tout ne m’a pas emballée bien entendu, mais j’ai aimé l’audace festive.
    Suggérer des amours homosexuelles, alors qu’ailleurs les homosexuels sont condamnés à mort fallait oser.
    Présenter un ballet avec le monde artisan et ouvrier fallait le faire (oui c’est moins « joli » que le lac des cygnes).
    Oui, la Révolution s’est faite dans le sang, et dans ces lieux. fallait-il ne pas le rappeler?
    Et puis Cène ou pas. Ce tableau est une œuvre d’imagination. Il n’a aucune authenticité. Connaissons-nous les modèles qui ont posé? Connaissons-nous leur moralité? Ce tableau n’est pas un objet sacré. C’est l’œuvre superbe d’un homme.
    Puis cette soirée s’achève dans la lumière et la musique avec un hommage à d’anciens médaillés et à l’amour….
    Que voulez-vous de plus ou plutôt de moins ?

    C’est vrai que ce n’était pas un défilé confortable, mais n’est-ce pas là sa principale qualité ?

  4. Il y à comme cela des ennuyeux qui regarde leur télévision en espérant découvrir de quoi alimenter leur sens aiguisé de la critique. Mais nom de nom qu’ils aillent se coucher ou regardent une chaine enfantine. Foin de faire à mon tour ce travers bien de chez nous et n’oublions jamais que nôtre pays est divisé en 68 millions de soient-disant Français. J’ai (nous) avons pris un plaisir malin à regarder ce gigantesque spectacle aux services de tous les bons ou mauvais goûts. La longueur du défilé de toutes les nations, de la plus petite aux plus grandes m’as fait croire un moment que nous ne tiendrions pas la soirée ben il n’en fut rien. Merci aux pros comme aux bénévoles qui ce sont donnés bien du mal pour distraire ou grincer d’éternels acrimonieux, et tant mieux si ma participation au budget de la télé sert ce genre d’événements.

  5. Cher Jean-Noël, comme d’habitude tu es toujours pertinent. Toutefois j’aurais aimé une critique sur l’esthétique de cette manifestation, qui a fait recours au Kitsch comme langage artistique.
    Cela veut dire qu’aujourd’hui l’absence de culture, l’absence de pensée esthétique, l’approximation des références, doivent être reconnus comme des paradigmes de déclinaison de l’Art ? Sur le fronton de l’Opéra de Palerme (Italie), le Teatro Massimo, c’est écrit : « l’Art renouvelle les peuples et en révèle la vertu », dans l’acception latine du terme, c’est à dire « force ».
    Cette ouverture de JO, que j’ai regardé avec beaucoup d’intérêt, mais avec un œil très critique, m’a fait penser à trois références précises :
    1. Les jeux au Colisée
    2. Les opiacées qui permettaient au XVIIIème et XIXème de s’absenter dans des rêveries faite par et pour des bourgeois en mal d’aventure et en dénis de réalité
    3. Les drogues lourdes de notre époque, qui voudraient compenser l’absence de « pensée sociale » de nos organisations dirigeantes tout en permettant d’enrichir outre mesure les mafias internationales.
    C’est cela que je reproche à ces JO et à tous ceux et celles qui se réjouissent de cette « fête », où l’on a su trouver l’argent qu’on ne veut pas donner au peuple pour l’aider à mieux survivre.
    Alors, en toute « Liberté, Egalité et Fraternité » réjouissons-nous et buvons, buvons, buvons en oubliant le présent dans le bras d’un Orphée pernicieux.
    C’est pour rester éveillé et debout que je ne regarde pas ces JO. Le roi Macron, Brigitte et ses toilettes, la Cène, un comédien presque nu, une Ancienne Reine décapitée… tout cela sert pour occuper le peuple et l’engager dans des discussions nous faisant oublier le vrai chaos, celui que nous vivons dans cette époque de fin de règne.

  6. 3 heures de remplissage sans intérêt pour une cérémonie
    qui ne devrait pas dépasser 1 heure.
    La parade de bateaux divers et variés ne vaut pas un bon vieux défilé sur la terre ferme.
    Dommage, raté, médiocre .
    Désolé d’être grognon, mais je ne peux m’empêcher.

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