Mimos, Festival international des arts du mime et du geste, s’est terminé samedi soir à Périgueux sur un spectacle enthousiasmant au Théâtre Odyssée. En présentant « Index », la Compagnie Pyramid a démontré à quel point le hip-hop est en passe de devenir la danse classique du XXIe siècle.Fondée en Charente-Maritime, cette compagnie cherche à sortir des clichés qui réduisent le hip-hop en simple composante chorégraphique de la culture rap.
Les puristes de la culture de rue hurleront à la trahison, démontrant ainsi que les plus rebelles d’apparence n’échappent pas toujours aux pesanteurs du conservatisme. Eh oui, on peut être enfermé dans la rue ! Et parfois, il faut chercher à en sortir.
Tout mouvement artistique d’importance connaît cette évolution : transgression, extension de la transgression et classicisme, lorsque les normes sont fixées. On peut protester contre cette «récupération» par le système culturel majoritaire. C’est aussi attendrissant qu’inutile, comme la nostalgie des lampes à huile et de la marine à voile, pour reprendre l’expression du général de Gaulle.
Il est préférable de choisir un autre pari qui est celui de conserver les éléments de transgression dans une œuvre devenue un classique. Molière a été «récupéré» depuis belles lurettes mais, mises en scène correctement, ses œuvres demeurent subversives. C’est donc ce défi, celui de conserver au hip-hop son cœur subversif sous un corps classique, que la Compagnie Pyramid a relevé.
Avec « Index », Pyramid a poussé la provocation fort loin, puisqu’il s’agit de jouer avec des livres et des bibliothèques, symboles de cette culture élitaire honnie par la culture rap. Ils vont se faire encore des amis chez les « rapeurs », les gars de Pyramid ! Provocation aussi vis-à-vis des tenants de la culture dominante pour lesquels les bouquins sont objets de vénération. Pensez donc, des livres qui explosent, qui brûlent, qui se lancent, qui se mangent, qui se lèchent, des livres-jeux, des livres-danse, des livres-passions… Mais quelle horreur, quelle indécence !
Pourtant, la Compagnie Pyramid, grâce à « Index », a rendu à l’écrit le plus beaux des hommages en mouvement. Le public de l’Odyssée – salle comble – l’a bien compris en offrant aux danseurs une ovation debout fort méritée.
Danseurs : Youssef bel Baraka, Mustapha Ridaoui, Rudy Torres, Tony Baron. Chorégraphie de Youssef bel Baraka, Mustapha Ridaoui, Jamel Feraouch.
Cinq jours sous haute surveillance
Pendant cinq jours, 29 compagnies françaises ont participé à Mimos, plus une vingtaine au off. Les représentations se sont succédées chaque jour, de 11 à 23 heures dans les rues de Périgueux, au sein des théâtres et autres lieux. D’après les organisateurs, les spectateurs sont restés fidèles à ce Festival, malgré les attentats. Et malgré les mesures de sécurité prises pour filtrer le public, avec tireurs d’élite sur le toit du Théâtre de l’Odyssée et infirmerie de campagne dans le hall d’entrée.
Le terrorisme ambiant a rendu nécessaires ces dispositifs. Cela dit, il est tout de même étonnant de constater que les filtrages sur l’esplanade Robert-Badinter n’ont été organisés qu’au moment des spectacles, alors que ce vaste espace situé devant l’Odyssée était laissé libre le reste du temps. Les spectateurs ont ainsi dû passer au moins deux points de contrôle avant de gagner le théâtre, mais un terroriste aurait fort bien pu s’y rendre sans grande difficulté en dehors des heures de spectacles.
Il faudra désormais vivre avec ce genre de situation. Puisse l’art du mime qui surmonte toutes les frontières, celles des pays et celles des langues, ne pas en pâtir.
Jean-Noël Cuénod