DNC – Entendez-vous dans nos campagnes…

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Devant la sous-préfecture de Nontron (Périgord Vert), lundi dernier ©JNC_Beaurecueil-Forge de la Poésie.

Entendez-vous dans nos campagnes mugir ces féroces soldats? Non. En tout cas pas encore. Actuellement, c’est l’ire de la paysannerie française qui donne de la voix, une fois de plus. En cause, l’abattage massif de bovins ordonné par le gouvernement pour tenter d’éradiquer la DNC (Dermatose Nodulaire Contagieuse). Un gouvernement qui reste sourd aux revendications paysannes.

Le Plouc n’est ni vétérinaire, ni éleveur professionnel, ni expert en quoi que ce soit. Donc ce qu’il dira sur la nature même de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) ainsi que des traitements individuels et collectifs reste pour le moins sujet à caution.

Simplement, il aimerait savoir pourquoi ses voisins et copains du Périgord Vert crient leur colère, voire leur désespoir. Alors, on va essayer de comprendre.

Les sataniques stomoxes

La dermatose nodulaire contagieuse est transmise aux bovins par des mouches répondant (si l’on ose dire) au doux nom de stomoxes.

Selon le site du ministère de l’Agriculture, « la DNC nest pas transmissible à lhomme, ni par contact avec des bovins infectés, ni par la consommation de produits issus de bovins contaminés, ni par piqûres dinsectes vecteurs ».

Mais pour les bovins, cette maladie se révèle très contagieuse. Cela dit, contrairement à d’autres maladies qui peuvent frapper le bétail, elle n’est pas forcément mortelle pour tous les bovins qui en sont atteints.

Mortalité limitée

Selon le site de l’Organisation mondiale de la santé animale (WOAH), le taux de morbidité de la DNC est situé entre 10 et 20% et celui de mortalité reste limité entre 1 à 5% (et non de 10% contrairement aux allégations de certains médias qui ont confondu mortalité et morbidité) (1). Alors pourquoi cet abattage massif décrété par le ministère de l’Agriculture? A ce jour, 3.300 bovins ont été abattus (le cheptel français comprend environ 16 millions de têtes).

Malheureusement pour les éleveurs, la DNC est classée comme maladie de catégorie A selon  le Règlement d’exécution du 3 décembre 2018 de la Commission Européenne, ce qui signifie : éradication immédiate du troupeau dès l’apparition de la maladie.

A noter que la tuberculose bovine est classée comme maladie de catégorie B qui ordonne des mesures moins rigoureuses que celles prévues en catégorie A. Or, si la tuberculose est peu transmissible à l’humain, elle peut l’être tout de même, contrairement à la dermatose nodulaire contagieuse.

La politique du mépris

Le ministère de l’Agriculture a donc appliqué le règlement européen de façon mécanique, au lieu d’entamer un dialogue avec les éleveurs. « Il fallait agir tout de suite pour sauver la filière »,  plaide Annie Genevard, l’actuelle ministre de l’Agriculture. En ajoutant que les éleveurs touchés « seront indemnisés au centime près ». Les promesses rendent les fous joyeux, dit-on…

L’argument de l’urgence ne tient pas. Avec des taux de morbidité et de mortalité aussi limités, le péril n’était pas tel qu’il empêcha le dialogue avec les principaux intéressés. La ministre (pendant combien de temps encore) a donc choisi ce qui restera la marque de fabrique du macronisme: le mépris pour les administrés. On est loin de la « gestion sanitaire co-construite » préconisée par la Confédération Paysanne .

Résultat: des scènes de désespoir dans un secteur déjà fragilisé, des familles ravagées à la vue du massacre de leurs troupeaux, des routes bloquées, une incompréhension qui croît, une colère qui enfle, le rejet encore plus massif d’un gouvernement aux abois.

Les divisions du monde paysan

Ce drame – car drame il y a – souligne une fois de plus les divisions qui séparent le monde paysan.

En effet, le principal syndicat agricole, la FNSEA soutient la campagne d’abattage du gouvernement contrairement aux deux autres syndicats, la Coordination Rurale (numéro 2 aux dernières élections professionnelles) et la Confédération Paysanne (numéro 3) qui s’y opposent fermement.

En soi, cette position commune de ces deux derniers syndicats – qui représentent grosso modo la moitié des agriculteurs – est un évènement car ils se trouvent politiquement à l’opposé l’un de l’autre.

La Coordination Rurale subit l’influence de l’extrême-droite (lire à ce propos cet article), alors que la Confédération Paysanne se situe à gauche. L’une s’attaque à la bio-diversité, parfois de façon violente; l’autre la défend. Que ces deux-là fassent cause commune sur un sujet, dit tout le tragique de la situation. Au moins, Madame la ministre aura-t-elle réussi cet incomparable exploit!

L’agriculture industrielle aux commandes

Pourquoi la FNSEA (2) soutient-elle le gouvernement dans ses opérations d’abattage?

Tout d’abord, rappelons que cette fédération ne représente pas les intérêts des paysans locaux et des exploitations à taille humaine. Elle défend ceux de l’agriculture industrielle. Le curriculum vitae de son président Arnaud Rousseau constitue tout un programme: chef d’une exploitation céréalière de 700 hectares en Seine-et-Marne et membre du conseil d’administration du groupe agro-industriel Avril (les huiles Lesieur et Puget entre autres). Difficile, avec un tel palmarès de se faire le défenseur d’un éleveur de vaches ou de chèvre du Périgord Vert, de Charente ou d’ailleurs!

Dans le cas des abattages, le souci premier est de   sauvegarder la filière exportatrice de viande. Dans l’optique du gouvernement et de la FNSEA, si l’on n’abat pas les troupeaux contaminés, la viande française risque de ne plus s’exporter à l’étranger.

Et le vaccin?

Contre la DNC, il existe un vaccin. A ce propos, le gouvernement vient de lancer une campagne à grande échelle: 750.000 bovins à vacciner dans le Sud-Ouest de la France. Hélas, selon les standard WOAH (Organisation Mondiale de la Santé Animale), une zone qui vaccine peut perdre son statut « indemne e la DNC » en tout cas pour la zone concernée par la maladie.

La filière exportatrice de viande est dominée par de grandes coopératives et des industries de transformation carnée. Pour elle, perdre le statut « indemne de la DNC » leur coûterait fort cher. Alors que les petits éleveurs locaux, eux, ne sont  généralement pas concernés par cette filière. Ils peuvent fort bien n’abattre que les bovins malades et surveiller l’évolution de leur troupeau.

Pour le gouvernement et la FNSEA, le choix est donc vite établi: sauver la riche filière exportatrice et sacrifier les éleveurs locaux.

La lutte des classes traverse aussi notre assiette.

Jean-Noël Cuénod

(1) Le taux de morbidité correspond au nombre de personnes atteintes par une même maladie dans une population donnée pendant une période donnée. Le taux de mortalité désigne le pourcentage de morts par rapport au nombre dindividus dune population donnée dans une période donnée.

(2) Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles.

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