Quand on dit «Joyeux Noël», on choisit son camp. C’est l’ex-premier ministre Raffarin qui l’a twitté. En soit la chose est si ridicule qu’elle ne devrait pas nous «en toucher une sans faire bouger l’autre» (je parle bien entendu des boules du sapin de Noël) pour reprendre l’expression chiraquienne. Néanmoins, elle reflète bien la confusion mortifère entre religion et identité.
Evacuons d’emblée, la brève histoire de ce tweet. Mardi, le groupe centriste du Sénat français gazouille ses vœux en souhaitant « de belles fêtes de fin d’année ». A cela, Jean-Pierre Raffarin remercie en ajoutant « Joyeux Noël ». Et se fend d’un tweet supplémentaire au cas où ses destinataires n’auraient pas bien compris : « Bonnes Fêtes ou Joyeux Noël ? J’ai choisi mon camp. Je souhaite à tous un Joyeux Noël. »
Cette raffarinade nous indique donc qu’il y a désormais le camp des « Joyeux Noël » que l’on suppose plutôt catholique, de droite modérée ou non et celui des « Bonnes fêtes de fin d’année » que l’on devine plus au centre laïque, voire même quelques centimètres plus loin à gauche.
On pourrait se dire aussi que les sénateurs centristes, par mesure d’économie, ont voulu faire d’une pierre deux coups en englobant sous la formule « Belles fêtes de fin d’année », tant Noël que le Nouvel-An.
Mais Raffarin a réduit à néant cette benoîte hypothèse : foin d’échappatoire, il faut choisir son camp camarade. Tu es pour ou contre Noël.
Jésus n’est pas né à Noël
Alors Monsieur le ci-devant Chef du gouvernement français je vous fais une lettre que vous ne lirez pas car vous avez d’autres sapins à garnir.
Sachez tout d’abord que le Christ Jésus n’est sans doute pas né à Noël. Certains écrits les plus anciens font état du 25 mars, du 10 avril, du 18 novembre… La date du 25 décembre pour célébrer la Nativité n’a été décrétée par l’empereur Constantin que bien après la naissance de Jésus, en 330 ou 354. En choisissant cette date et le solstice d’hiver, les autorités ecclésiastiques les ont greffés sur une festivité païenne célébrant la naissance de Mithra et le Soleil Invaincu.
C’est l’Eglise chrétienne qui a gagné cette bataille des symboles : Jésus est assimilé à la naissance d’une nouvelle ère ; de plus, sa crucifixion clôt le cycle des sacrifices, humains et animaux. Alors qu’au cours de la Fête de Mithra, un jeune taureau était sacrifié. Le message est clair : le Christ Jésus se sacrifie pour que l’on ne fasse plus couler le sang au nom d’une divinité.
A-t-il même une église ?
Alors, voilà, Monsieur Raffarin, c’est en vain que vous chercheriez le Christ dans un camp. Ni dans le vôtre, ni dans le miens, ni à droite, ni à gauche, ni au centre, ni en haut, ni en bas. Il est partout. Il n’appartient à personne. Ou plutôt, Il appartient à toutes celles et à tous qui L’aime. Il n’a pas de partis – même ceux qui se réclament de la démocratie chrétienne.
A-t-il même une Eglise ? De son vivant, Il n’en a créé aucune. Par tradition, la création de l’Eglise chrétienne remonte à la Pentecôte lorsque les Apôtres ont reçu le Saint-Esprit. En fait, elle s’est construite progressivement au fil des siècles jusqu’à être captée par les divers pouvoirs humains qui n’ont fait que la diviser et pervertir trop souvent son message originel.
La seule véritable Eglise du Christ est au-delà de ces vicissitudes. Elle prend forme dans Ses paroles : « Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux ». Tout le reste n’est que théologie.
Le « Camp du Joyeux Noël » selon Saint-Raff’ revendique son identité de chrétien. Or, en relisant les Evangiles, il tombe sous le sens que le Christ se situe à l’opposé de toute démarche identitaire.
Tout son message tend vers l’universel, la construction des ponts et non pas l’érection des murs. Il s’adresse à toutes, à tous, en premier lieu aux femmes méprisées et aux damnés de la Terre qui, à l’image des migrants sur des canots en méditerranées et dans la Manche, vivent et meurent sous les regards indifférents.
Les récits d’espérance et les autres
Nous ne pouvons appréhender la vie que par des récits. Certains défendent l’idée que Dieu est une illusion et le Christ, une faribole. Que lorsque nous mourrons, tout s’éteindra et que nous serons renvoyés au néant. C’est un récit.
D’autres invoquent ce Dieu qui s’est fait homme en la personne du Christ pour que les hommes deviennent Dieu, le Christ étant une sorte d’interface entre la mort du corps et la vie de la Conscience qui change d’état sans s’anéantir. C’est un autre récit.
J’ignore ce qu’il en sera de moi, la dernière heure venue. Je ne sais qu’une chose qu’il vaut mieux choisir le récit de l’espérance pour donner à la vie l’éclat de ses couleurs.
Jean-Noël Cuénod
Un soleil époustouflant ! Il accompagne merveilleusement ton texte si juste. Le magique, le tragique se côtoient en permanence. Alors cap sur la Beauté pour ouvrir nos cœurs et éclairer notre monde ! Merci cher Jean-Noël. Je t’embrasse.
Cher Jean-Noël-le-bien-nommé, ce petit poème écrit et publié il y a déjà fort longtemps, mais qui me semble entrer en écho avec ton délicieux texte, de la part d’un incroyant curieux (et no d’un curieux incroyant!) :
Tu cherches Dieu
dans la pierre des cathédrales
la musique de Pergolèse
le Chant des chants
Te moques bien de le trouver
Tu sais :
Pareillement borné fainéant et stupide
qui l’a trouvé
qui ne le cherche pas
S’il est compréhensible que l’Eglise ait choisi le solstice d’hiver pour date de la naissance de Jesus, date du retour de la lumière, fêtée à Hanouka dans le Judaïsme, il est également compréhensible qu’elle ait choisi Chavouoth (Pentecôte) comme date où les apôtres auraient reçu le St-Esprit, lorsque l’on sait que Chavouoth est la fête des récoltes, mais surtout la date anniversaire du don de la Thora. Tu reçois de la nourriture matérielle certes, mais elle n’a de sens qu’accompagnée de nourriture spirituelle et des responsabilités qui vont avec.
Les premiers chrétiens étaient des juifs, ils ont donc construit leur religion sur ce qu’ils connaissaient.
Donc, belles et lumineuses fêtes de fin d’année. Non seulement comme dirait Raffarin j’ai choisi mon camps, mais pour Noël c’est trop tard et de surcroît tu n’envoies qu’une fois des vœux pour Noël (la lumière) et pour Nouvel’An (le temps).
Bises
Claire