Pic de pollution et abîmes politiques

Pollution-Tour-Eiffel

Bain de pieds sulfureux pour la Tour Eiffel

Dans le métro, le bus, la file d’attente au supermarché ou à la poste, sur le trottoir, à la terrasse du bistrot, tous toussent à Paris. Cette année, la toux n’est pas que l’expression de la saisonnière épidémie de rhume. Les pics de pollution qui se succèdent sont les principaux compositeurs de cet oratorio laryngé.Les pieds de la Tour Eiffel baignent dans la poussière vaporeuse des particules fines ; sur les hauteurs de Montmartre, la cuvette parisienne déborde de cette inondation sèche. Les causes sont bien connues : circulation automobile, guimbardes qui roulent au diésel et dans une mesure moindre, chauffage au bois. Mais y remédier, c’est au-dessus des forces du pouvoir politique.

Les pauvres remèdes prescrits par la Mairie de Paris se révèlent d’une redoutable inefficacité. Supplier les automobilistes de ne pas prendre leur bagnole ou, au moins, de conduire raisonnablement équivaut à tousser dans un violon. La circulation alternée ­ne change rien. Vendredi, le boulevard Blanqui était aussi encombré de véhicules toussophores que d’ordinaire. Même la gratuité des transports en commun n’est qu’une goutte d’air dans un océan de pollution.

L’agence nationale Santé publique France s’époumone à signaler le danger : chaque année, la pollution provoque la mort prématurée de 48 000 personnes dont 34 000 seraient évitables si des mesures antipollution énergiques étaient prises. Après le tabac et l’alcool, l’air toxique est la troisième cause de mort prématurée. On peut s’abstenir de boire ou de fumer. On ne saurait s’arrêter de respirer.

Malgré ces mises en garde, la région parisienne (la métropole lyonnaise est presque dans le même bain ) continue à voir les pics de pollution s’allonger comme le nez d’un politicien en campagne électorale. Chaque acteur se renvoie la patate carbonisée : « C’est pas moi, c’est l’autre ». Donc, rien ne bouge.

La maire de Paris Anne Hidalgo (PS) stigmatise l’automobiliste banlieusard. « La pureté de l’air est un luxe de Bobos que je ne peux pas me payer ; bien obligé de prendre ma bagnole pour aller au boulot », lui rétorque-t-il aussitôt. Quant aux transports publics, mieux vaut éviter le sujet, si l’on ne veut pas énerver le banlieusard. Les retards chroniques des RER ont pris une telle ampleur qu’à plusieurs reprises, la justice des Prudhommes a condamné la SNCF à indemniser des salariés licenciés pour manque de ponctualité. La maire parisienne réplique alors qu’il faut se plaindre à la Région Ile-de-France présidée par son adversaire politique Valérie Pécresse (LR). Laquelle dégage aussitôt en direction de la SNCF. Celle-ci sort sa réponse toute faite : elle n’a pas assez de sous pour investir dans la rénovation du matériel. Les regards convergent ipso facto vers le gouvernement qui se tourne vers Bercy. Lequel annonce que les caisses étant vides, il devient urgent de ne rien faire.

Cette situation démontre à quel point un Etat centralisé peut provoquer, paradoxe apparent, l’éparpillement des responsabilités. Tout est ramené au Centre qui a tellement de chats à fouetter qu’il en perd son fouet et se mure dans une impotence bavarde. La classe politique ne manque pas d’air, dit-on. Nous, si.

Jean-Noël Cuénod

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