Noël en Israël et Palestine: l’étoile de Neve Shalom

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Le village de Neve Shalom-Wahat as-Salam © MathKnight :Wikimedia Commons

Comment célébrer Noël en Israël et en Palestine, après les atrocités du Hamas en Israël et les morts écrasés par les bombardements israéliens à Gaza? Pour ne pas sombrer dans le désespoir, on peut percevoir la petite voix du village de  Neve Shalom-Wahat as-Salam qui sourd du magma haineux des intégristes de toutes barbes. A la condition, d’avoir l’oreille un tant soit peu sensible.

Promouvoir la paix semble relever de la blague de mauvais goût ou d’une insupportable bisounourserie. Pourtant, sur cette même terre, Israéliens et Palestiniens construisent, jour après jour depuis 1969, une oasis de la Paix. Neve Shalom-Wahat as-Salam reste debout en pleine tourmente.

Qui donc aujourd’hui « s’empêche »?

Mars 1988, c’est la première intifada et le quarantième anniversaire de la création de l’Etat d’Israël. Avec mon collègue Pierre Meyer, je suis envoyé en reportage par la Tribune de Genève. Violences certes mais les uns et les autres, dans chaque camp, « s’empêchent » encore, à l’instar du père d’Albert Camus dans Le Premier Homme  – « un homme, ça s’empêche ». Aujourd’hui qui donc « s’empêche »?

Néanmoins, en cette fin de la décennie 1980, les anathèmes réciproques continuent à fuser, alourdissant l’atmosphère.

Et soudain au détour de la route qui monte de Tel-Aviv vers Jérusalem, dans la vallée d’Ayalon, un autre monde s’ouvre.

Ce n’est pas seulement celui du silence incarné par les Trappistes de l’Abbaye de Latroun. C’est aussi celui du dialogue entre deux peuples et trois religions en état de guerre. Il a une forme, celle d’un village, formé d’un chapelet de maisons basses et blanches qui se blottissent sous les frondaisons et s’accrochent à la vallée.

Il a un nom, où plutôt deux; l’un en hébreu, l’autre en arabe – Neve Shalom–Wahat as-Salam – pour une seule signification, « Oasis de Paix ».

Connaître la langue et la culture du voisin

Après être passé pendant de longs jours d’un camp à l’autre, puis de l’autre à l’un pour y rapporter deux visions opposées d’un même état de fait, le petit reporteur éprouve à Neve Shalom-Wahat as-Salam le soulagement de pouvoir enfin transmettre autre chose que le déprimant fracas des dialogues de sourd.

Depuis 1969, des femmes et hommes venant de l’islam, du judaïsme, du christianisme, d’origines juive et arabe, ont décidé de créer un espace consacré notamment à développer un système éducatif à la fois israélien et palestinien, multiconfessionnel et multiculturel pour que les enfants disposent des outils nécessaires aux échanges dans le respect et la connaissance des différences.

« Que le petit Israélien apprenne l’arabe; que le petit Palestinien en fasse de même l’hébreu » nous disait la jeune institutrice du village.

Que les uns et les autres connaissent leur histoire et celle du voisin de façon dépassionnée. Que chacune et chacun soit en mesure de comprendre les religions de ses condisciples. Que chacune et chacun tisse ces liens d’enfance au-delà des chaînes des assignations religieuses et ethniques.

La paix, cela s’apprend de façon pratique. Pour ce faire Neve-Shalom – Wahat as-Salam a mis sur pied une Ecole de la Paix qui concerne aussi les adultes.

Stigmatisés par les uns comme traîtres à la cause palestinienne et par les autres comme traîtres à Israël, les habitants du village répondent par une tenace non-violence.

Traître à personne, en vérité. Les musulmans restent musulmans, les chrétiens restent chrétiens, les juifs restent juifs. Mais les uns et les autres connaissent et partagent leurs douleurs réciproques.

Le vrai miracle de Noël

Le vrai miracle de Noël, c’est qu’envers et contre tout Wahat as-Salam-Neve Shalom développe ses activités, aujourd’hui encore.

Le village se situe à rebours des idéologies actuelles qui font de la crasse morale et intellectuelle le cap à suivre pour la société: le racisme, l’antisémitisme, le suprémacisme musulman ou juif, le crétinisme identitaire. C’est dire si son action doit être soutenue, le moment étant à son pire.

Vous pouvez vous connecter sur leur site, leur écrire un mot de soutien à cette adresse, si vous êtes francophones: amis.francais@nswas.info, voire un don sur leur site.

A quand un cadeau de Stockholm?

Et on peut rêver qu’un jour enfin, à Stockholm, le jury du Prix Nobel de la Paix placera ce village – souvent cité pour l’obtenir, en vain jusqu’à maintenant – dans les lumières médiatiques.

Malgré l’épaisse fumée des incendies, brille une petite étoile, celle de Wahat as-Salam-Neve Shalom. Et si c’étaient eux, les habitants de cet oasis, qui étaient les seuls vrais réalistes?

Jean-Noël Cuénod

6 réflexions sur « Noël en Israël et Palestine: l’étoile de Neve Shalom »

  1. Je n’avais jamais entendu parler de ce village.
    Quand on dit qu’il y a toujours une lumière au bout du tunnel !
    Merci cher Jean-Noël pour cette étincelle d’espoir.

  2. Merci merci…l’espoir renaît a la découverte de cet oasis…oufffff…parce que parfois on se demande si les humains n’ont pas perdu l’intelligence du vivre ensemble…c’est vrai c’est un grand art!
    J’ai aussi vu un Doc sur les femmes qui travaillent pour la paix en Israël et des palestiniennes aussi (femmes du soleil pour ces dernières)
    Qu’on les entendent

  3. L’espoir fait vivre . Ce village est un petit rayon de soleil dans la triste réalité. Persévérez et courage. Le bout du tunnel n’est peut être pas si loin.

  4. Heureuse de découvrir qu’il y a encore et toujours des êtres humains de bonne volonté pour aller à contre courant et naviguer dans ces flots tumultueux du monde actuel. PAIX À VOUX.

  5. Merci pour cette belle histoire qui n’est pas une fiction ; on a tellement besoin de savoir qu’il y a encore des juifs et des palestiniens qui cultivent l’amitié et savent bien vivre ensemble !

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