Migrants : du naufrage aux larmes de crocodile

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©RTS

Qu’elles sèchent vite, les larmes de crocodile ! De plus en plus vite, car il y en a de moins en moins, de larmes. Même de crocodile. Et surtout pour les réfugiés. Vous vous rappelez la photo du petit corps d’Aylan, 3 ans, rejeté sur une plage de Bodrum en 2015 ? Nous oublierons tout aussi vite le naufrage qui a tué 27 migrants dans La Manche, mercredi. Place au Black Friday!

Au début de ce siècle, cette tragédie aurait soulevé des torrents d’indignation. Des milliers de personnes seraient descendues dans la rue. Aujourd’hui, calme plat, contrairement aux bourrasques de novembre qui agitent La Manche. Les migrants n’ont ni nom, ni visage, ni même sépulture. Ils ne forment qu’une masse informe, indéterminée, inquiétante. Elle sert d’arguments aux politicards démagogues qui s’en servent comme d’un tremplin. Plus on tape sur les migrants et plus on récolte des voix. Car une grande partie de la population votante reste hostile à toute immigration même contrôlée. C’est simple au fond, très au fond, une campagne électorale…

Et pourtant, s’il existe un sujet qu’aucune solution simpliste ne saurait résoudre, c’est bien celui-ci.

Passez ses nerfs sur les passeurs

Le premier ministre britannique et le président français s’accusent mutuellement d’être responsables du naufrage. Et ne se mettent d’accord que pour cogner – en paroles verbeuses – sur les passeurs.

Les mafias des passeurs…Tiens, parlons-en ! Le trafic d’êtres humains s’organise selon la même architecture que celui des stupéfiants. Une pyramide, au sommet de laquelle règne les chefs mafieux et leurs conseillers financiers ; le milieu est occupé par les logisticiens des transports et les récolteurs de fonds ; en bas, fourmille le prolétariat des passeurs proprement (enfin si l’on ose dire !) dit qui effectuent le sale boulot « physique ».

Franck Dhersin, vice-président de la région Hauts-de-France (droite ex-LR) et maire de Téteghem près de Dunkerque a bien décrit cette situation à France-Info :

Il y a passeurs et passeurs. Il y a les petites mains qui travaillent sur le terrain, qui sont des centaines. Et quand la police française en arrête – elle en arrête beaucoup – 3-4 jours après, il y en a de nouveau. C’est comme les trafics de drogue, c’est exactement pareil  (lire ici l’article complet).

Frappez à la tête ! Elle est où la tête, chef ?

L’élu régional et local veut que l’on frappe à la tête. Et où se dresse-t-elle, cette tête ? Franck Dhersin a sa petite idée :

Les chefs de cette mafia sont à Londres, ils gagnent des centaines de millions d’euros chaque jour et ils réinvestissent l’argent à la City. Ils achètent des restaurants, des pizzerias, des hôtels, des immeubles. Ils renvoient aussi de l’argent au pays. Et la seule façon de les avoir, c’est un contrôle fiscal. 

On ne peut qu’approuver ses propos. Mais sans se bercer d’illusion. A partir du moment où une activité maffieuse génère un important volume de fonds, ses têtes disparaissent dans le brouillard. Elles disposent des moyens suffisants pour se dissimuler derrière des écrans de fumée par le truchement de cabinets d’avocats et de conseillers financiers.

L’argent sale profite à l’économie propre

Mais ces têtes de requins nagent aussi dans un courant plus profond. L’argent généré par les traites et les trafics se diffuse dans l’économie légale, pourvoyeuse de profits, d’emplois et de taxes. Ce qui est de nature à refroidir les ardeurs répressives dirigées vers le sommet. Autant se contenter du menu fretin.

Avec une parfaite hypocrisie, la société se satisfait de cette situation, malgré les tartarinades du Tout-Répressif.

32 milliards par an pour la traite des migrants

La drogue et la traite des migrants dégagent de gros chiffre d’affaires. Selon le site Planetoscope (lire ici), celui du trafic de stupéfiants s’élève en moyenne à 243 milliards d’euros par an. Le chiffre d’affaire de la traite des migrants est encore plus malaisé à établir. Selon Pierre Henry, directeur général de l’association terre d’asile, il se situerait aux alentours de 32 milliards de dollars (28,5 milliards d’euros) par an (lire ici).

Il en sera de même de la traite des migrants comme il en est du trafic de drogue. Plus les contrôles se durciront et plus les murs s’élèveront, plus les mafias prendront le contrôle de ce marché puisqu’elles seules disposent de la surface financière, de l’expérience et de la maîtrise de l’architecture criminelle.

L’Occident, grand fauteur de désordre au Moyen-Orient

L’Occident a semé le désordre au Moyen-Orient, dès la chute de l’Empire ottoman à l’issue de la Première Guerre mondiale, en découpant cette vaste région en fonction, non pas du bien commun des populations locales, mais des seuls intérêts des deux puissances coloniales.

Au début de notre siècle, les Etats-Unis ont fait encore plus fort en multipliant les décisions désastreuses : la guerre en Irak déclenchée par Bush junior, l’abandon de la Syrie à son triste sort par Obama, le piteux retrait de l’Afghanistan ordonné par Biden.

Ce désordre établi a permis aux pires tyrans, aux « saigneurs » de la guerre, aux islamoterroristes, à la corruption himalayesque d’asseoir leur pouvoir au détriment d’une population qui subit des situations sociales, économiques et politiques effroyables. Ces peuples n’ont plus qu’une solution partir vers le seul Eldorado qui semble à portée, la riche Europe. Mais c’est l’étau polono-biélorusse ou les remous de La Manche qui les attendent.

Au pied du mur…

Maintenant, nous voilà au pied du mur. Et pas seulement de celui que veut construire la Pologne. Que faire de toutes ces douleurs dont l’Occident porte une part de responsabilité ?

Pour l’instant, rien, sinon jouer à l’autruche (ce qui, en passant, est le meilleur moyen de recevoir un coup de pied aux fesses !)

Nombre d’experts en trafic de stups le clament depuis des décennies : pour lutter efficacement contre les narcotrafiquants, assécher le marché en légalisant la drogue est l’une des premières mesures à prendre, avec l’accompagnement médico-social des consommateurs.

Outre qu’il faudrait que de nombreux pays prennent la même décision pour éviter le tourisme stupéfiant, il est improbable que les citoyens, surtout en France, élisent des candidats qui défendraient cette proposition. L’illusion répressive est assortie de trop d’attraits pour qu’on en sorte aisément.

La raison ne tonne plus en son cratère

Il risque fort d’en aller de même avec ces réfugiés que l’on appelle « migrants ». La solution rationnelle serait de les répartir entre les pays d’Europe, voire d’Occident. Quitte à contrôler strictement les nouveaux arrivants, car la tentation est forte chez les groupes ou Etats terroristes de profiter de l’immigration pour l’infiltrer.

Or, justement, le contrôle des individus est plus aisé à effectuer sur des populations qui sont entrées légalement sur les territoires occidentaux que sur des clandestins qui se sont faufilés entre les mailles du filet. Car de toute façon, aucune frontière est imperméable. Les murs, les barrières artificielles ou naturelles n’ont jamais empêché l’immigration.

Mais voilà, l’ambiance actuelle est tant accablée par le tintamarre des droitistes que la raison ne tient plus sa note avec sa petite voix fluette. Cela fait bien longtemps qu’elle ne tonne plus en son cratère ! On réfléchira plus tard. Trop tard.

Jean-Noël Cuénod

Vidéo : le témoignage des sauveteurs

1 réflexion sur « Migrants : du naufrage aux larmes de crocodile »

  1. Que pouvons-nous faire ? Rester impuissant ? Non.
    Haut les coeurs, continuons le combat du guerrier pacifique.
    La misère est loin mais aussi à notre porte.
    Il est dit que chaque acte d’amour si petit soit-il a des suites éternelles.
    A chacun de trouver sa voie pour éclairer un peu plus notre planète.
    Merci cher Jean-Noël pour tes réflexions porteuses d’élan.

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