Après-Trump (1). Force invincible du mensonge

Trump escamoteur

L’escamoteur tableau de Jérôme Bosch

Devant le mensonge, la vérité fait nain de jardin. Les faits sont moins têtus que les fantasmes et les contes à voter couché. En matière de bobards, la campagne de Donald Trump a fait fort. Mais elle n’est qu’un épisode dans la longue histoire des impostures politiques.Durant les derniers jours de la campagne présidentielle américaine, les internautes ont partagé sur les réseaux sociaux plus de fausses informations que de faits relatés par des journalistes professionnels, selon le site Buzzfeed.

Le Washington Post daté de jeudi publie l’interview de Paul Horner, créateur de faux sites d’information. Que dit-il? Que ses sites plus vrais que nature furent tout le temps consultés par des partisans de Donald Trump. Et Paul Horner de constater :« Ils ne vérifient rien, ils partagent tout et croient en n’importe quoi (…) ». Il se reproche aujourd’hui d’avoir contribué à faire élire Trump avec le beuze qu’il a ainsi créé à coups de fausses nouvelles.

Là, Horner se vante. Les causes de ce séisme électoral sont bien plus profondes et trahissent, en premier lieu, ce fossé que nous voyons partout se creuser entre la partie du peuple qui bénéficie de la mondialisation et celle qui la subit. Toutefois, lorsqu’une élection se joue, comme celle-ci, à peu de voix, on ne saurait négliger le rôle des menteurs comme prescripteurs de suffrages.

« Le coup de poignard dans le dos »

Si les réseaux sociaux et internet ont amplifié le mensonge comme argument massue, ils ne l’ont certes pas inventé. Tous les pouvoirs à toutes les époques ont recouru peu ou prou à l’imposture. Ainsi, à la fin de la Première guerre mondiale, la caste militaire prussienne a-t-elle fait porter le poids de la défaite allemande sur les frêles épaules des responsables politiques civils et démocrates. Tout auréolés de leur gloire militaire astiquée par des décennies de lavage de cerveau, les généraux allemands ont dénoncé « le coup de poignard dans le dos » asséné par les démocrates. Puis, assez rapidement, ce rôle de poignardeur a été attribué aux Juifs. On sait l’usage que les nazis ont fait de ce mensonge érigé en vérité suprême.

Triste fait vrai

Pourquoi le mensonge est-il plus séduisant que la vérité ? Le fait véridique, authentifié, contrôlé n’a que peu de saveur. Il n’est jamais blanc ou noir. Ses teintes grisâtres n’attirent personne. Surtout, le fait vrai est décevant : « Alors, ce n’était que ça ? » Il dégonfle les baudruches. Oui, mais voilà, on adore les baudruches. Elles sont colorées et bien rondes, volent de ci de là. Et nous font rêver. Même le cauchemar est préférable. Le cauchemar, c’est un rêve qui a mal tourné. Mais c’est quand même du rêve. Alors que le fait vrai, lui, il ne fait rêver personne. Et puis, il est compliqué, le fait vrai. La vérité n’est jamais simple, carrée. Elle est sinueuse. Tellement sinueuse qu’on ne la voit plus, perdue qu’elle est dans les brumes de notre incompréhension. Alors que le mensonge a le bon goût d’abonder dans notre sens, le fait vrai, lui, nous détrompe (déTrump ?) et nous contredit. Il est de mauvais poil. Pas aimable pour deux cents.

Trump, l’homme du nouveau système

Avec Trump, on ne s’embarrasse pas de cette vérité aussi sexy qu’un aréopage de juristes à lunettes. « Il a gagné parce qu’il était contre le Système », annone-t-on ici ou là. S’il a gagné, c’est que justement, il est entièrement plongé dans le système. Dans le nouveau système. Il ne faut pas oublier que depuis 1996, Donald Trump s’est illustré dans les shows télévisés en redonnant, notamment, des couleurs au concours Miss Univers. Mais c’est avec The Apprentice, émission de télé-réalité, qu’il a donné la pleine mesure de son talent de bonimenteur (voir la vidéo, ci-dessous).

Trump est vraiment l’homme du système qui désormais nous domine : l’infospectacle (infotainment). La politique a démontré son incapacité à maîtriser la violence de la mondialisation sauvage. Autant se réfugier dans les paillettes et trumper son ennui avec un clown, ça passe le temps avant de se fracasser contre le mur.

Jean-Noël Cuénod

1 réflexion sur « Après-Trump (1). Force invincible du mensonge »

  1. J.N.Cuénod: l’information, l’œil, la critique, l’analyse toujours épointés, au vieux sens du terme. Quant à Trump, une fois élu, il a ri.

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