Benjamin Netanyahou, une victoire très « trumpeuse »

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(Photo montage conçu par Intelligence Artificielle sur description de JNC_Beaurecueil-Forge de la Poésie)

La recomposition en cours du paysage politique au Proche-Orient semblent avoir fait deux vainqueurs pour l’instant: la Turquie et Israël. La Turquie d’Erdogan capitalise diplomatiquement ses avancées notamment en Syrie. Ankara est devenu incontournable dans la région. Quant à Israël, sa souvient-il que les victoires militaires sont les plus trompeuses et les plus fragiles?

Avec le Hezbollah très affaibli au Liban et le Hamas à Gaza qui a subi des pertes colossales, l’armée israélienne a remporté une impressionnante série de batailles. Faisant d’un missile deux coups,Tsahal, en décapitant le Hezbollah, vassal de Téhéran, a réduit le pouvoir de nuisance de l’Iran de façon considérable. D’autant plus que le régime des mollahs est affaibli par son impopularité et ne se maintient que par la répression.

Un gros bémol toutefois au sein de cette fanfare: au Yémen, les houthis poursuivent leurs actions en mer Rouge.

Victoires militaires et défaites économico-politiques

Que gagne-t-on vraiment en remportant des victoires militaires? Pas grand-chose, nous apprend l’histoire. Au moment de l’armistice du 11 novembre 1918, l’armée allemande fut battue alors même qu’elle tenait encore sous sa botte le nord du Département français des Ardennes. Certes, les armes avaient tenu un rôle capital mais le IIe Reich s’était effondré aussi sous le coup des pressions économiques et sociales qui lui étaient devenues insupportables.

De 1940 à 1943, l’Allemagne nazie volait de succès en succès et semblait inarrêtable. Deux ans plus tard, Berlin est mise en ruines. Battue par les armes et le sacrifices des soldats soviétique certes, mais surtout par la disproportion phénoménale entre le complexe économique-financier-industriel des Etats-Unis et celui du IIIe Reich.

Même constat à propos des guerres coloniales. En 1961, sur le plan militaire, la France avait gagné sa guerre contre le FLN. Quelques mois plus tard, l’Algérie accédait à l’indépendance provoquant l’exode des Européens d’Algérie.

Contre l’isolement diplomatique de Paris, les contestations au sein de la République gaullienne et le poids trop élevé d’une guerre perdue politiquement, les armes ne pouvaient que retarder l’échéance tout en aggravant le sort économique de la France.

La bouée de Netanyahou

Constat fort banal. Pourtant, le gouvernement israélien continue à battre la campagne militaire et à croire en la « victoire définitive » contre le Hamas. Ou du moins à faire semblant de croire en cet objectif. Car le premier ministre Netanyahou s’y accroche comme à une bouée, seul l’état de guerre pouvant l’empêcher d’être traîné devant les tribunaux de son pays.

Mais la bouée est en train de se dégonfler un peu. L’alors secrétaire d’Etat étatsunien Anthony Blinken affirmait le 14 janvier dernier à l’Atlantic Council (un laboratoire d’idées sis à Washington) que ses services de renseignements estimaient que le Hamas a recruté presqu’autant de nouveaux militants qu’il en avait perdu. « Chaque fois qu’Israël termine ses opérations militaires et fait reculer le Hamas, les militants se regroupent et réapparaissent parce qu’il n’y a rien d’autre pour combler le vide », ajoutait Blinken.

Une guerre sans frein, ni fin

La guerre entre Palestiniens et Israéliens n’aurait donc ni frein ni fin. A l’évidence, le gouvernement israélien ne veut pas d’une paix mais cherche plutôt à élargir le plus possible les moments de répit entre deux poussées de fièvre armée.

Une paix suppose l’existence d’un Etat palestinien ayant la souveraineté nécessaire pour signer un tel accord. Or, la droite israélienne rejette le projet d’Etat palestinien et donc la paix qui en est le corollaire.

De l’autre côté, les islamistes du Hamas et leurs alliés développent un raisonnement assez semblable. Leur but est d’éradiquer Israël et d’effacer toute présence juive sur ce qu’ils considèrent comme leur terre sacrée. Dans cette optique, faire la paix avec Israël relève de la trahison. Tout au plus, négocieraient-ils des trêves afin de se refaire une santé militaires.

Israël ne devrait pas trop compter sur Trump

Les uns et les autres oublient une évidence: soutenir une guerre perpétuelle n’existe que dans les rêves casqués.

Pour qu’Israël puisse l’assumer, son gouvernement doit recevoir l’aide massive des Etats-Unis. Pour l’instant, les Etatsuniens continuent à verser leurs milliards. Mais rien n’indique qu’il en sera toujours ainsi. Et surtout pas avec Donald Trump qui ne connaît que son intérêt personnel.

Nétanyahou a déjà pu en faire l’expérience puisqu’avant même de prêter serment, le nouveau président l’a contraint à accepter un cessez-le-feu que le chef du gouvernement israélien ne voulait pas. Il s’agissait d’éviter que les éclats proche-orientaux rejaillissent sur l’investiture présidentielle!

La bataille perdue de la communication

S’il est une bataille qu’Israël a perdue dans sa guerre à Gaza, c’est bien celle de la communication. A l’instar de ce réserviste de Tsahal poursuivi au Brésil,  les touristes israéliens peuvent être inquiétés par les justices étrangères s’ils ont servi à Gaza. Cet Etat paraît donc plus isolé que jamais dans le monde. Si l’appui étatsunien vient à faiblir, c’est son existence qui est mise en péril.

Cela dit, pour les Palestiniens aussi, une guerre perpétuelle n’offre que d’épuisantes perspectives mortifères.

Tant que les dirigeants israéliens et palestiniens actuels resteront en poste, rien ne bougera. Peut-être seront-ils remplacés par d’autres encore plus bellicistes. Mais le pire n’est pas toujours certain.

Le rôle prépondérant de l’Arabie Saoudite

L’avenir de cette région se jouera surtout entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite, qui a le calibre financier et énergétique nécessaire pour inciter le président étatsunien a faire « bizness » avec elle. Ne serait-ce que pour reconstruire Gaza.

Dans une interview à Médiapart, l’ancien ambassadeur israélien Eli Barnavi, a expliqué la rôle que tient désormais le Royaume saoudien dans l’actuelle configuration:

  L’Arabie saoudite est une pièce essentielle du dispositif régional tel qu’il (Trump) le conçoit. Les Saoudiens étaient prêts à conclure un rapprochement avec Israël, même sans les Palestiniens. Mais après le 7-Octobre, c’est devenu difficile. L’Arabie saoudite a introduit une condition : elle n’avancera dans la normalisation que s’il y a un début de chemin pour les Palestiniens vers la souveraineté, vers un État palestinien. Trump est obligé de tenir compte de cela.

C’est, en effet, une voie rationnelle. Il reste maintenant à se persuader qu’il reste encore des bribes de raison dans les cervelles dirigeantes!

Jean-Noël Cuénod

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