Avec Boko Haram, l’Etat Islamique à proximité de l’uranium nigérien

Ainsi, le groupe sectaire nigérian Boko Haram a-t-il fait allégeance à l’Etat Islamique. Jusqu’alors, les troupes d’Abubakar Shekau restreignaient leurs opérations au Nigéria afin d’imposer la sharia version salafiste dans tous les Etats de cette République fédérale, y compris ceux à majorité chrétienne. Son action principale ne visait donc pas, jusqu’à maintenant, à rejoindre le grand combat internationaliste enclenché par Al Qaïda et perfectionné par l’Etat Islamique.

Mais ses récents revers et la grande contre-offensive des armées tchadiennes et Nigériennes l’ont convaincu qu’il lui fallait s’insérer dans le camp de l’Etat Islamique afin de recevoir l’aide financière nécessaire pour se refaire une santé militaire.

En effet, Daech regorge de pétrodollars. Il affirmait la mois dernier disposer d’un budget de deux milliards de dollars. Selon Newsweek, les revenus de l’Etat Islamique s’élèvent à six millions de dollars par jour grâce à la contrebande de pétrole (Daech occupe des champs pétroliers d’importance en Irak, en Syrie, en Libye), aux rançons et à l’aide de riches particuliers dans les pays du Golfe.

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Avec ce budget, l’Etat islamique peut, non seulement se faire des vassaux, mais aussi construire les structures d’un Etat avec ses fonctionnaires, son armée et son système d’assistance sociale et médicale (très apprécié par les sunnites qui en profitent). La chose est d’autant moins malaisée à édifier que l’Irak et la Syrie – bases de départ de l’Etat islamique – ne sont que des entités artificielles fondées en 1920 par les puissances britanniques et françaises.

De nombreux experts de l’islam radical traçaient une nette différence entre les stratégies de l’Etat islamique et d’Al Qaïda, l’un prenant appui sur un territoire pour l’organiser à sa main tout en cherchant à l’étendre et l’autre, n’ayant nul souci de ce genre, préférant lancer des actions tous azimuts exécutées par des groupes autonomes franchisés «Al Qaïda».

Le système qaïdiste avait ses avantages en multipliant les actes terroristes par des groupes difficilement identifiables. Mais ses inconvénients n’étaient pas minces : le financement était mal assuré et les liens très lâches entre « la base » (le nom arabe d’Al Qaïda) et ses lointains franchisés empêchaient la poursuite à long terme d’une organisation cohérente.

Aujourd’hui, cette distinction n’a plus lieu d’être. L’Etat Islamique cumule désormais les deux stratégies. Il reste ancré sur les territoires qu’il a conquis en Irak et en Syrie mais il s’est assuré la vassalité de groupes djihadistes, situés hors de sa base, en Libye, en Egypte, au Yémen, en Arabie saoudite et en Algérie. Avec l’allégeance de Boko Haram, l’Etat Islamique élargit notablement sa sphère d’influence. Désormais, Daech est présent sur des territoires d’une importance stratégique essentielle pour le camp occidental. Grâce à sa suzeraineté sur Boko Haram, l’Etat Islamique se trouve désormais à proximité des mines d’uranium du Niger.

L’Etat Islamique est certes barbares. Mais le passé nous a appris que la barbarie et l’efficacité stratégique vont souvent de pair.

 Jean-Noël Cuénod

 

Photo: le calife autoproclamé Aboubakr Al-Baghdadi

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